réal. & scénario martin mcdonagh, int. frances mcdormand, woody harrelson, sam rockwell, peter dinklage, john hawkes, lucas hedges, caleb landry jones, zeljko ivanek, abbie cornish, samara weaving. 2017, 115′. 4 pouces
le synopsis
parce que sa fille est morte violée et brûlée vive il y a 7 mois, et que les coupables n’ont toujours pas été arrêtés, mildred hayes (mcdormand) décide de faire bouger les choses en…
… affichant sur trois grands panneaux publicitaires aux abords de sa petite ville des messages visant le très respecté chef de la police bill willoughby (harrelson). mais ils sont mal compris…
l’avis
comme souvent avec les histoires intelligentes et les scénarios bien écrits, les panneaux de la vengeance (titre français trompeur), ceux par quoi le film commence, qui représentent le socle de l’histoire et qui vont provoquer un tsunami dans la petite (et fictive) ville d’ebbing, ne constituent paradoxalement qu’un prétexte à une (brillante) étude de personnages dans un contexte donné.
le thème du film n’est absolument pas la vengeance, comme le laisse supposer le titre français. c’est de tout autre chose qu’il s’agit et que l’on pourrait résumer en trois mots: comment consoler l’inconsolable? ce thème est sous-tendu par une colère sourde et porté par les deux personnages de mildred et jason (rockwell), ce dernier devenant d’ailleurs un personnage central. autant jason nourrit sa violence et son racisme par une douleur existentielle due à la mort de son père (douleur/violence qu’il parviendra à surmonter lorsque son mentor, c’est-à-dire son père de substitution, lui dira depuis son tombeau qu’il croit en lui), autant mildred alimente sa rage en s’attaquant à l’inaction de la police dans une enquête restée au point mort (et qui sera un peu apaisée par sa proximité avec jason, du moins la fin le laisse-t-elle supposer).
cela dit, elle ne cherche pas du tout à se venger, elle attend, elle exige, que justice soit faite. ceux qui ont traduit le titre du film en français ne l’ont probablement pas vu. car mildred attend que la police fasse son travail. jamais elle ne se transforme en justicière, même si elle aurait toutes les raisons de le faire. de même, le personnage de jason, gorgé de haine vis-à-vis de tout et de tous, nous donne tout au long du film toutes les raisons de s’improviser justicier, surtout à partir du moment où il est viré de la police. la petite faiblesse du scénario est de vouloir nous faire croire à l’évolution de son personnage dans la seconde partie du film. consolons-nous en pensant que si elle est un poil (si j’ose dire) capillo-tractée, elle a le mérite de donner à l’histoire un zeste d’espoir et permet aux deux personnages de ne pas perdre de vue leur humanité. certains esprits chagrins ont déploré que le cas ne soit pas résolu à la fin. mais cette fin entre justement en parfaite cohérence avec l’ensemble du film, apportant une preuve définitive que le thème n’était pas la vengeance.
aussi, l’écriture a ceci de fort que la violence larvée et l’atmosphère pesante de la première partie sont par moments désamorcées par un humour noir ni appuyé ni mal placé, mais que le drame vient arrêter dans son élan. il ne s’agit que de la première partie, car la seconde prête moins ne serait-ce qu’à sourire.
les acteurs sont tous formidables et la distribution s’enrichit de têtes d’affiche. frances mcdormand est toujours parfaite. et encore plus dans ce rôle magnifique qu’elle a accepté après avoir longuement hésité (merci à joel cohen, son mari, qui lui aurait dit « tais-toi et fais ce film! »). le scénariste-réal a mis dans la bouche de son personnage des tirades remarquables qu’on aimerait tous sortir un jour, surtout celle, sur la culpabilité, qu’elle débite au curé venu chez elle lui faire la morale. certains personnages secondaires sont campés par des acteurs confirmés qu’on a vus ailleurs, tel zeljko ivanek, qui a joué dans quantité de séries comme numbers, bones, heroes, dr house ou damages aux côtés de glenn close, ou peter dinklage, qui s’est fait connaître du grand public dans threshold (2005), puis dans nip/tuck (2006) et qui explose depuis 2011 dans toutes les saisons de game of thrones, même s’il n’a évidemment pas fait que ça.
le film a raflé notamment 4 récompenses amplement méritées aux golden globes, le 7 janvier dernier: meilleur film dramatique, meilleure actrice dramatique (mcdormand), meilleur acteur dans un seconde rôle dramatique (rockwell) et meilleur scénario (mcdonagh). de bon augure pour la 90e édition des oscars, prévue le 4 mars prochain.
si vous n’allez qu’une seule fois au cinéma en janvier (et il vous reste peu de temps), allez voir en priorité three billboards…