yes we cannes


alors que spike lee aurait dû remettre la palme d’or ce week-end (23-24 mai 2020) et que l’événement restera palme morte jusqu’en 2021, peut-être est-il intéressant de rappeler comment est né le plus grand festival de cinéma du monde…

leni riefenstahl…
née en 1902, helene amalia bertha riefenstahl était danseuse et gymnaste avant d’être actrice. elle réalise en 1932 la lumière bleue, un premier film qui appelle à la tolérance et au respect d’autrui, et qui est repéré par adolf hitler, avec lequel la jeune cinéaste noue des relations de respect mutuel. et c’est tout naturellement que le futur führer lui propose, en 1936, de réaliser une oeuvre sur les jeux olympiques de berlin. ce sera les dieux du stade. la jeune femme inventera des techniques pour l’occasion, mettra 18 mois pour monter son film en deux parties (fête des peuples et fête de la beauté) et accomplira ce qui, aujourd’hui encore, est considéré comme un chef-d’oeuvre. à la mostra de venise. édition 1938, et sous la pression des gouvernements allemand et italien, deux films sont primés: les dieux du stade, de leni riefenstahl et luciano serra pilote, scénarisé par vittorio mussolini, fils du duce, et réalisé par goffredo alessandrini, cinéaste quasi officiel du gouvernement italien. deux films de propagande, donc, dont les récompenses choquent trois membres français du jury.

philippe erlanger…
au cours du voyage de retour en train à paris, erlanger, alors directeur de l’association française de l’action artistique, a l’idée de fonder un « festival des nations libres » dont il soumet l’idée à jean zay, ministre de l’éduction nationale et des beaux-arts. l’idée plaît et la création d’un tel événement pour l’année suivante est mise en chantier. il s’agit de contrer un festival italien sous influence et de faire vite. il sera question un moment d’un accord entre la france et l’italie instaurant le principe de l’alternance entre les deux festivals. est-ce pour cette raison que les éditions de 1948 et de 1950 n’auront pas lieu, malgré le refus des professionels français de s’y plier? on ne le saura sans doute jamais car la raison officiellement avancé est d’ordre budgétaire. quoi qu’il en soit, philippe erlanger sera nommé premier délégué général du festival de 1946 à 1951. il sera aussi membre du jury et président d’honneur jusqu’à sa mort en 1987.

jean zay…
c’est lui le véritable artisan de la création du festival en 1939. après avoir visité plusieurs villes, dont aix-les-bains, lucerne et biarritz, cannes est finalement choisie pour son climat, sa tradition balnéaire et ses conditions financières avantageuses. toute l’année, zay a noué des contacts notamment avec les grandes majors hollywoodiennes qui s’impliqueront dans le financement de l’événement, y voyant une plate-forme idéale pour promouvoir leurs productions au niveau mondial. en juin, louis lumière accepte d’être le président de la première édition et une soirée de gala est organisée le 22 août 1939. tout le gratin du cinéma mondial est sur place et la fête bat son plein, notamment sur les plages cannoises, lorsqu’un violent orage éclate, obligeant les convives à se réfugier. certains verront dans cette fin de soirée précipitée un mauvais présage.

23 août…
en effet, le pacte germano-soviétique (traité de non-agression entre l’allemagne et l’union soviétique) est signé à moscou par les ministres des affaires étrangères allemand et soviétique. il fait suite aux accords de munich, signés en 1938 entre l’allemagne, la france et le royaume-uni, pour régler la crise des sudètes, cette région historique d’europe centrale à majorité germanophone de moravie, silésie et bohême, le long des frontières allemande et autrichienne. ce pacte donne lieu à une grave crise des relations internationales et donne le coup d’envoi à la seconde guerre mondiale.

29 août…
trois jours avant le début du premier festival international du film à cannes, jean zay décide de tout annuler et de s’engager sous les drapeaux. il n’en reviendra pas.

1946…
la guerre est finie, l’allemagne est à genoux, les nations libres sont redevenues puissantes avec les accords de yalta et le festival international du film peut enfin commencer. comparée à l’affiche de 1939 (1), réalisée dans des tons sépia représentatifs de l’avant-guerre par le peintre et graveur jean-gabriel domergue, petit-cousin de henri de toulouse-lautrec, les affiches de 1946 (il y en aura trois formats différents) respirent la joie, l’insouciance et la liberté par des couleurs vives et une typographique fantaisie. le grand format (120×160 cm) est signé paul colin (2), le petit (60×40 cm) est signé leblanc et la moins connue (84×63 cm) rémy hétreau.

1951…
le festival abandonne ses dates traditionnelles, proches de celles de la mostra (en août à l’époque) pour se dérouler désormais au printemps.

1955…
à l’initiative de robert favre le bret (délégué général du festival de 1952 à 1972), le dessin de la joaillière lucienne lazon est adopté pour la création de la palme d’or.

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