réal. et scénario alex garland, int. domhnall gleeson, alicia vikander, oscar isaac, sonoya mizuno. 2015, 108′. 3,5 pouces
le synopsis
programmeur dans l’une des plus importantes entreprises d’informatique du monde, caleb (gleeson) gagne un concours pour passer une semaine avec nathan (isaac), pdg génial et solitaire de son entreprise, qui vit dans un lieu retiré en montagne. arrivé sur place,…
… il découvre qu’il a en fait été sélectionné pour participer à une étrange et fascinante expérience: interagir, sept jours durant, avec la première intelligence artificielle au monde qui prend la forme d’un superbe robot féminin, ava (vikander).
l’avis
très joli huis clos à trois personnages (et demi) sur un thème passionnant bien que passablement exploité ces cinquante dernières années dans le cinéma de science-fiction (et qui, paradoxalement, commence à peine à apporter des réponses): l’intelligence artificielle. 2001, mondwest, génération proteus, a.i., i, robot, et le récent chappie (qui a dit chapo?), et j’en oublie, tous ont exploité ce thème riche en réflexion anxiogène et remise en question de notre besoin à vouloir nous prendre pour dieu et de notre incapacité à en gérer les conséquences.
l’apprenti-sorcier d’ex machina est un homme brillant, un peu trop même. et comme tout scientifique de génie qui a percé un mystère – ici celui, excusez du peu, de la création -, il se croit l’égal de dieu et finira par se brûler les ailes. le parallèle biblique avec la création du monde n’est ni fortuit ni en l’occurrence lourdingue.
nathan crée des machines (car il en a évidemment créé plusieurs avant d’arriver au résultat parfait) dans le but d’aller bien au-delà de la capacité à réfléchir, qui est la base pour un robot. il cherche l’éveil de la conscience et son pendant, l’intelligence émotionnelle. en d’autres termes, dès lors qu’elle réfléchit par elle-même, une machine est-elle capable de sentiments à l’égard d’un être humain et, a fortiori, l’être humain peut-il tomber amoureux d’elle (et ce n’est pas pour répondre à cette question – mais à ses besoins sexuels – qu’il a créé une superbe créature muette baptisée kyoko)? la langue française ne dit-elle pas « elle » pour une machine, et non « ça ». le film récent her (spike jonze, 2013) abordait la question en mettant en scène, dans un monde à peine futuriste, une machine (en fait, un logiciel doté d’une voix féminine) qui, à mesure qu’elle interagissait avec son utilisateur, devenait sensuelle, devenait femme, d’où cette incarnation suggérée dans le titre.
dans ex machina, le créateur traite paradoxalement sa créature comme une machine, c’est-à-dire sans aucun scrupule ni sentiment. si bien que, douée d’une logique implacable issue des données fournies par un logiciel analysant les profils et les attitudes de chaque être humain (une sorte de super-facebook), la créature comprend très vite que son créateur, doté pourtant d’une intelligence largement supérieure à la moyenne, est un être malsain et calculateur qui ne fait que l’utiliser à des fins… à quelles fins au fait? pour le bien et l’avenir de l’humanité? on peut sérieusement en douter.
ava comprend aussi que la séduction est une arme redoutable qui peut lui permettre d’arriver à ses fins à elle: sortir du bunker et vivre sa vie. pour cela, elle va manipuler un caleb dérouté, ébloui et naïf, mais aussi et surtout tuer le « père ». vous avez dit psychanalytique?
au final, on se dit que si le créateur façonne vraiment sa créature à son image, dieu est un imbécile irresponsable et destructeur, et allah un meurtrier revenchard. ironique, comme morale, même si la question mérite réflexion…
on notera quand même sur la fin une petite faiblesse dans cette histoire intelligente signée du scénariste préféré de danny boyle (qui réalise là son premier long): le pilote de l’hélicoptère. comment se fait-il que, venu pour récupérer caleb, il reparte avec ava sans poser de questions?
le film a été tourné en partie dans les célèbres studios de pinewood, dans le nord de londres, en partie à l’hôtel juvet, perdu dans la nature norvégienne.