réal. didier le pêcheur, scénario didier le pêcheur, delphine labouret, d’après le roman de grégoire delacourt, int. mathilde seigner, marc lavoine, frédérique bel, virginie hocq, patrick chesnay, cécile rebboah, julie ferrier. 2014, 98′. 3 pouces
le synopsis
petite mercière d’arras, jocelyne (seigner) apprécie sa vie faite de petits bonheurs simples. elle qui ne joue jamais aux jeux de hasard, elle se laisse convaincre par deux amies de cocher les cases d’une grille à quelques euros. et…
… elle gagne. 18 millions. dès lors, elle n’a qu’une crainte: perdre la vie qu’elle chérit par-dessus tout. aussi ne dit-elle rien à personne et fait comme si de rien n’était. mais le destin est tenace…
l’avis
que ferait-on si l’on gagnait des millions à la loterie? on se dit tous qu’on saurait quoi en faire. mais, en admettant qu’on reste maître de soi en parvenant à garder la tête froide face à cette nouvelle et providentielle fortune, notre entourage, le monde, nous regarderaient-ils avec les mêmes yeux? cela dit, dans son roman, grégoire delacourt s’intéresse moins au fait d’être riche qu’à celui de l’être du jour au lendemain, et sans l’avoir mérité! ce qui n’est pas du tout la même chose.
le personnage, une femme simple, tient à rester exactement la même. elle n’a d’autre ambition que d’être aimée et utile, et d’éprouver en retour un amour profond pour une vie certes modeste, mais empreinte de valeurs vraies, et surtout pour un mari pas toujours à la hauteur. belle et louable ambition. pour elle, cette fortune qui lui tombe dessus sans crier gare est surtout une malédiction, car elle craint que tout change. je ne risque rien, se dit-elle, si je ne dis rien et continue à me comporter comme d’habitude.
la séquence à la française des jeux (rebaptisée l’européenne des jeux) est édifiante. jocelyne se trouve en face d’un commercial condescendant (et jaloux) et d’une psychologue (ferrier toujours géniale) censée la préparer à sa nouvelle condition en lui dressant un tableau peu reluisant de sa future vie de femme riche. car riche signifie avant tout convoitée, de la famille aux amis qui vont essayer de lui soutirer le moindre centime, en passant par de parfaits inconnus qui essaieront de l’apitoyer pour lui quémander de l’argent pour faire soigner leur enfant malade ou s’acheter un fauteuil roulant. ce chamboulement risque, elle doit en être consciente, de l’affecter profondément, au risque de lui faire perdre les pédales.
jocelyne reste droite dans sa certitude et se dit qu’elle ne risque rien (tout en sachant en son for intérieur qu’elle risque tout, qu’elle annonce la nouvelle ou pas). mais, se prenant un peu au jeu, elle commence, sans rien dire à personne, comme pour conjurer le sort et se rassurer, la liste des choses qu’elle achètera avec cet argent tombé du ciel. témoin de sa simplicité (et de son manque d’ambition assumé), le fait qu’elle corrige « fer à repasser » par « centrale vapeur ».
cela dit, à force de ne rien dire, elle va finir par susciter des soupçons grandissants, surtout chez son mari (lavoine), et déclencher un événement qui justifiera ses craintes et son malaise vis-à-vis de ce gain au fond non désiré. si elle est la seule à ne pas changer, son univers, lui, va être modifié, en la personne de ce mari, pilier de cette vie tant chérie, et qu’elle croyait connaître. dès lors, le processus tant redouté va s’enclencher: plus elle aura de l’argent, moins elle aura d’amour.
depuis la nuit des temps, l’homme pauvre se demande si l’argent fait le bonheur. et depuis la nuit des temps, il répond non, mais il y contribue, comme pour se consoler de ne pas en avoir. sous la forme d’un petit conte des temps modernes, delacourt doit savoir de quoi il parle puisqu’il répond simplement par la négative. même s’il est certainement plus riche qu’avant.