true detective, saison 1

true detective

série créée par nic pizzolatto, int. matthew mcconaughey, woody harrelson, michelle monaghan, michael potts, tory kittles, kevin dunne. 2014, 8 épisodes de 55′ (moyenne). 4 pouces

le synopsis
2012. louisiane. interrogés séparément, les inspecteurs rustin cohle (mcconaughey) et martin hart (harrelson) reviennent sur la traque d’un tueur en série qu’ils ont menée ensemble de 1995 à 2002…

… et qu’ils n’ont pas achevée.

l’avis
on entend souvent dire de ci de là, cahin caha, que le genre séries télé a connu un bond qualitatif énorme dès le début des années 2000, grâce notamment à des chaînes indépendantes comme hbo qui ont su inverstir dans la créativité et la qualité de l’écriture, attirant de ce fait des acteurs de renom plus habitués du grand écran que du petit. si le phénomène ne date pas forcément de cette période (il y a des exemples de séries qualitatives qui firent couler de l’encre, façon de parler car les ordinateurs existaient déjà, avant le bug de l’an deux mille), force est de constater qu’il s’est amplifié depuis et que nombre de séries – et pas seulement américaines – ont fait date. dernière-née de ces oeuvres d’outre-atlantique à s’imprimer sur nos rétines ébaubies, true detective s’inscrit déjà dans le cercle très fermé des séries à la fois ambitieuses et enthousiasmantes.

ambitieuse dans la forme, même si ce n’est pas la première et que ce ne sera pas la dernière à revendiquer l’excellence. le générique, déjà, transpire le malsain, avec ses superpositions personnages/lieux qui fournissent des clés de lecture aux critiques du dimanche (et même de la semaine) en mal de commentaires. trueblood, american horror story et six pieds sous terre, entre autres, sont passés par là. vrais petits films, ces génériques sont de petits bijoux de réalisation, tant par la direction artistique que par le montage. à tel point qu’on pourrait, presque sans risque, se fier à une série dont le générique seul est de qualité. de plus, toute la série possède une facture particulière, un look and feel, comme disent, pour se la péter grave, les gens qui ne parlent pas l’anglais. pas étonnant si l’on sait que le créateur a préféré tourner sur pellicule 35 mm, un format qui sonne un peu comme une excentricité à l’heure du tout numérique. et pourtant, même si on fait aujourd’hui des merveilles avec le numérique, le 35 mm, ya pas, confère à l’image une qualité inimitable, un grain, une profondeur, une tonalité un rien… cinématographique. d’où le caractère ambitieux que j’évoquais.

enthousiasmante, cette série l’est assurément car d’une intelligence au-dessus de la moyenne. dans l’histoire et la structure narrative, tout d’abord. true detective est en fait construit à la manière d’un long métrage, mais saucissonné en 8 épisodes. façon de parler, bien sûr, car des longs métrages de plus de 7 heures (chaque épisode durant entre 52 et 59 minutes), je n’en connais pas, ou alors éventuellement, quoique pas aussi longs, chez abel gance. et c’était au temps où le cinématographe balbutiait encore et où tout était à inventer (ce dont gance ne se priva nullement), ou alors chez les vidéastes qui font dans l’expérimental, comme le film que j’ai vu une fois dans un musée d’art moderne où une fille léchait un mur en prenant soin de laisser une trace de bave comme l’aurait fait une limace et que la caméra suivait trèèèès lentement. le film ne durait pas 7 heures, mais 20 minutes de ça, croyez-moi, ça équivaut à 7 heures.

mais je m’égare. true est un long métrage, disais-je, dans la mesure où l’histoire se suit d’un épisode à l’autre et que si t’en loupes un ou que t’as le malheur d’aller chercher un yoghourt (misérable!), tu ne comprends plus rien. l’histoire se suit, certes, mais n’est pas linéaire dans sa structure pour autant. en effet, le créateur nous balade constamment entre passé et présent, le récit ayant pour point de départ les deux inspecteurs de nos jours (en 2012) revenant sur une enquête particulièrement complexe qu’ils ont menée 17 ans auparavant et qu’ils n’ont pas résolue. et pour cause: en 2002, ils se sont tapé sur la gueule et ont fini par démissionner de la police, chacun pour des raisons différentes. mais dix ans plus tard, ils remettent ça. du coup, ça intéresse la police, notamment les deux inspecteurs chargés de l’affaire (potts et kittles), qui interrogent cohle et hart séparément, histoire de voir si leur version des faits – car il y a eu mort d’hommes, mais pas les bons, bref – coïncide. et elle coïncide.

les personnages sont très fouillés et assez complexes. ce qui donne à la série un côté très cinématographique. le drame personnel qu’a connu rust (dans le rôle du flic qu’est pas du coin et qui se fait regarder de travers, pas forcément parce qu’il est space, mais parce qu’il n’est juste pas du coin) l’a entraîné dans une spirale dont il n’est pas sorti indemne: deuil, séjour chez les fous et infiltration chez des trafiquants de drogue lui ont pas mal foutu la tête en vrac. donc space, mais pas coucou, le gars. en fait, c’est de loin le plus intelligent de ce coin de louisiane où tout ce qui porte une culotte semble être profondément ravagé par la chaleur ou la consanguinité. pour le délimiter, je dirais qu’il est arrogant, sûr de lui, peur de rien. marty, lui, est plus accessible: bourré de principes, respectueux de la communauté, se veut bon père de famille mais se révèle être un queutard de première, ce qui lui vaut quelques menus ennuis avec sa femme (monaghan). hypocrite, mais pas con, le gars. car si ses penchants lui vaudront un divorce, il reste un bon enquêteur. or voilé, obligés de travailler ensemble, bons dans leur job, rust et marty se piffent moyen. en fait, c’est surtout marty qui piffe rust moyen. sans doute parce qu’il ne le comprend pas, qu’il se sent dépassé ou que l’intelligence de son coéquipier lui renvoie brutalement à la gueule toute sa médiocrité. après avoir quitté la police en 2002, le premier disparaît de la circulation, le second devient détective privé. en 2012, rust retrouve marty pour qu’ensemble ils « paient leur dette » (comprenez bouclent l’enquête pour de bon). rust est toujours d’une intelligence au-dessus de la moyenne malgré l’alcool et les substances, marty est toujours aussi bon dans ce qu’il fait mais a un peu perdu de sa superbe. les deux hommes ont changé: rust a le cheveu long, marty le cheveu rare (chapeau bas, soit dit en passant, aux stylistes – et aux acteurs – pour leur travail admirable sur le look des personnages). et rust n’en veut pas à marty. rien ne prédisposait ces deux-là à faire équipe, rien ne les prédispose à retravailler ensemble. la force de duo? le conflit.

le conflit comme moteur relationnel, il fallait y penser. pas nouveau, diront les esprits chagrins, et il s’en trouve toujours. sauf que là, il est palpable, viril, sans concession, sans hypocrisie, parsemé de confrontations limite mandales. on l’aura compris, on est donc loin, et c’est tant mieux, du buddy movie où les deux protagonistes, différents mais complémentaires, mènent des enquêtes dans une bonne humeur saupoudrée de coups de gueule dont on sait qu’ils se règleront car les personnages, au fond, s’aiment bien. dans true, et là réside la qualité d’une écriture qui pose très tôt les caractères, on comprend vite que ce conflit n’est pas dû à des désaccords professionnels. il n’y a pas, entre rust et marty, de faux semblants, il y a deux psychologies totalement opposées, presque incompatibles. et pourtant, c’est justement cette intégrité qui leur permettra de tenir face à l’adversité et, au final, de s’apprécier.

face à cette brillante étude de personnages, à la fin de la journée, comme disent les anglo-saxons, les meurtres et l’enquête passeraient presque au second plan… jusqu’à ce qu’ils se rappellent brutalement à notre bon souvenir au 8ème et dernier épisode (de la saison). d’aucuns méprisent les séries en les taxant d’art mineur. il est vrai que, comme pour toute chose artistique, il y a du meilleur et du pire. parions que true les amènera à avoir une meilleure opinion sur la question.

quoi qu’il en soit, si j’ai un conseil d’ami à vous donner, c’est de découvrir true detective toutes affaires cessantes.

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