réal. christopher nolan, scénario jonathan et christopher nolan, int. matthew mcconaughey, anne hathaway, john lithgow, casey affleck, mackenzie foy, jessica chastain, michael caine, topher grace, matt damon. 2014, 169′. 4 pouces
le synopsis
la terre se meurt et n’offre plus assez de ressources. touché par une grave crise alimentaire, l’homme doit, s’il veut perpétuer l’espèce, trouver une autre terre. des scientifiques de la nasa (qu’on croyait fermée depuis des années) ont…
… trouvé un trou de ver dans l’espace et y ont envoyé des missions qui ont découvert des planètes potentiellement habitables, hors de notre système solaire. mais, aucune donnée n’étant complète, il faut envoyer une mission de la dernière chance qui risque de prendre des années…
l’avis
eh oui, la terre se meurt, un peu plus dans le film que dans la réalité, vu que l’histoire se passe dans un avenir proche mais indéterminé. mais nolan ne s’égare pas dans un discours écologiste, ce n’est pas son style. et son propos est ailleurs. on a dit qu’il a réalisé « son » 2001: l’odyssée de l’espace. il est vrai que les références sont peu discrètes: le robot monolithe et le « voyage » dans son aspect métaphysique (via la représentation de la traversée du trou noir) font plus que penser à l’oeuvre de kubrick. mais son métrage abordait la place de la technologie, l’intelligence artificielle, la possibilité d’une vie extraterrestre, et surtout l’évolution de l’espèce humaine, ponctuée par la présence, à chaque stade important, de ce fameux monolithe. le film de nolan aborde davantage le devenir de l’humanité, à travers son évacuation d’une planète mourante et la découverte, porteuse d’un espoir immense, d’un trou de ver formé 48 ans auparavant près de saturne. or se posent deux problèmes: l’énormité des masses à évacuer et le temps que prendrait leur voyage vers la nouvelle planète. deux plans sont élaborés par les scientifiques de la nasa: le plan a – l’évacuation de masse, mais il manque des données que seuls les trous noirs sont à même de fournir – et le plan b – la colonisation d’une nouvelle planète par embryons congelés.
c’est là que le scénario repose en partie sur les travaux de l’astrophysicien américain kip thorne, connu pour ses théories sur les trous noirs, les ondes gravitationnelles, le voyage dans le temps et les trous de ver. pour comprendre un trou de ver, il faut s’imaginer une feuille de papier sur laquelle on a tracé un point a et un point b. selon cette théorie, la distance la plus courte entre ces deux points n’est pas la ligne droite. car si l’on replie la feuille de manière à les faire coïncider, la surface devient un espace en trois dimensions qui permettrait de relier les deux points en un temps considérablement raccourci, puisque le voyage entre a et b ne se ferait plus à la surface de la feuille mais à travers la feuille. double avantage donc, puisque le trou de ver permettrait un déplacement dans l’espace mais aussi dans le temps. le trou de ver est une hypothèse scientifique et n’a jamais été démontré, contrairement au trou noir qui existe et dont la force gravitationnelle est si intense qu’elle empêche toute forme de matière de s’en échapper.
or, dans le film, un tel trou de ver a été repéré aux abords de saturne, qui permettrait d’explorer plus avant des planètes découvertes par des sondes et situées hors de notre système solaire (et dont le trajet demanderait, sans lui, des centaines d’années). comment s’est-il formé? c’est l’une des grandes questions du film. on laisse entendre que ce serait l’homme lui-même, ou tout du moins sa version évoluée, qui l’aurait créé après avoir découvert un moyen de maîtriser une cinquième dimension. le thème du voyage dans le temps, qui est traité à la fin comme une nouvelle dimension, est également abordé.
le scénario repose aussi en partie sur les travaux d’un autre scientifique, car jonathan nolan, coscénariste de nombre des films de son réalisateur de frère (de memento à la trilogie des dark knight, en passant par le prestige), a confirmé avoir beaucoup lu les oeuvres de l’astronome américain carl sagan, auteur notamment du roman contact (1985), dont robert zemeckis a tiré un film en 1997 avec jodie foster et le même mcconaughey, et avec lequel interstellar retrouve une similitude de discours.
à part ça, la facture du film est assez surprenante. à l’heure de l’ultra-haute définition, permettant de créer une réalité d’une qualité que même l’oeil ne perçoit pas et des effets numériques à couper le souffle, nolan, fidèle à lui-même, méprise la 3d et fait le choix du grain, d’une image un peu à l’ancienne, belle mais pas sidérante, bref de l’imax et du 70 mm. même si ce format de pellicule plus guère utilisé reste une référence en termes de qualité, j’ai parfois eu l’impression, surtout sur certaines séquences spatiales, de regarder un film sur une vhs. étonnant mais « vrai ». et ça fait du bien pour un film de cette envergure, de cette ambition et de ce budget.
si la découverte, par cooper (mcconaughey), de ce qu’il y a après le trou noir, est intéressante dans sa visualisation, la fin, par contre, est un peu bâclée, donc un peu décevante: son retour, non pas sur terre puisqu’elle a été « décolonisée », mais sur une station-relais vers une autre planète qui ressemble à un mélange d’inception (le « pliage » de paris sur elle-même) et d’elysium (la station en half-pipe), l’entrevue de cooper avec sa fille arrivée à la fin de sa vie (ellen burstyn, ils se sont cherchés des années mais leurs retrouvailles sont pliées en 2 minutes chrono) et enfin son départ pour retrouver amelia (hathaway), tout cela ne prenant que les 10 dernières minutes.
steven spielberg devait réaliser le film à l’origine, mais a passé la main à nolan pour des raisons d’emploi du temps. jonathan nolan, en revanche, a été gardé comme scénariste. même si la comparaison avec 2001 est fréquemment évoquée, le film est tout de même plus proche du cinéma de spielberg, notamment dans les émotions et les valeurs familiales (la relation père-fille) qu’il véhicule.
les théories sur lequel le film s’appuie sont touffues et pas faciles-faciles à cerner. il n’empêche, interstellar est à voir séance tenante.