réal. steven spielberg, scénario tony kushner, d'après l'oeuvre de doris kearns goodwin, int. daniel day-lewis, sally field, david strathairn, joseph gordon-levitt, james spader, tommy lee jones, hal holbrook, jackie earle haley, jared harris, gloria reuben. 2012, 149'. 3,5 pouces.
le synopsis
les états-unis d'amérique sont déchirés depuis 4 ans par la guerre civile, et abraham lincoln (day-lewis), 16ème président,…
… entend résoudre le conflit, pacifier la nation et abolir l'esclavage au moyen du 13ème amendement à la constitution. mais le chemin de la paix est parsemé d'obstacles apparemment infranchissables…
l'avis
lincoln est un film un peu ardu. ardu car il vaut mieux connaître un tant soit peu le fonctionnement du système politique américain pour en saisir les enjeux. ardu aussi car verbeux. et là encore, il faut s'accrocher pour tout bien saisir.
je dirais, sans trop me tromper, qu'il est presque plus difficile par moments de comprendre lincoln que cloud atlas… cela dit, si le détail nous échappe, on comprend quand même bien l'ensemble: les jeux de pouvoir et les luttes
d'influence entre lobbyistes, les enjeux de l'abolition de l'esclavage,
la force et la vision de ce personnage hors du commun, les oppositions
et les haines qu'il a suscitées, la grandeur de ce moment unique de
l'histoire des états-unis en particulier et du monde, dans une moindre
mesure.
mais, si la portée du film est bel et bien universelle et que les enjeux qui s'y dessinent auront des conséquences sur l'histoire contemporaine, lincoln
reste quand même, à mes yeux, dans son traitement, et mes amis d'outre-atlantique me
pardonneront, un film américano-américain. ouvrez la parenthèse, c'est un peu comme dans un match de base-ball, on est, nous autres européens, complètement largués. question de culture. d'ailleurs, les films traitant de ce sport ne sont pratiquement jamais diffusés ici. regardez, si j'ose dire, le stratège, qui est complètement passé inaperçu malgré une nomination à l'oscar pour son interprète principal brad pitt (qui a, disons-le sans triomphalisme faussement modeste, été coiffé au poteau par notre jean national, yes!). fermez la parenthèse.
certes le sujet de lincoln dépasse de loin les frontières de l'amérique, mais je suppute que son succès international est principalement dû à l'interprétation très inspirée (j'y reviendrai dans quelques lignes) de daniel day-lewis, au fait qu'il (day-lewis) a remporté de nombreux prix, dont le bafta, le golden globe et l'oscar du meilleur acteur (conférant au film un écho médiatique international immédiat) et qu'il (le film) est réalisé par steven spielberg, poids lourd toutes catégories du block-buster intelligent. je ne sais pas chez vous, mais à genève, un mois à peine après sa sortie, il n'est plus diffusé que dans un seul cinéma à 21h00, preuve que, malgré son aura, il est voué à disparaître bientôt des écrans pour commencer sa carrière dans le circuit vidéo.
lincoln m'a intéressé sans me passionner. j'ai aimé l'angle adopté, cette volonté d'être fidèle à cet homme exceptionnellement complexe – sa vie personnelle et familiale n'est d'ailleurs pas mise de côté dans le film et contribue à comprendre la figure historique – en le montrant en plein coeur du combat le plus difficile de sa vie. de plus, le film possède indéniablement une dimension épique (merci monsieur spielberg qui savez filmer et donner à un sujet une résonance exceptionnelle), et, pour une fois, ce n'est pas la musique de john williams, accompagnant l'action en toute discrétion, qui participe de ce sentiment. et puis un spielberg, ça ne se refuse jamais.
brèves de coulisses…
un mot sur day-lewis. ce mec est quand même vachement balèze. on sait que c'est lui mais on ne le "reconnaît" jamais. il n'est pas de ces acteurs que l'on reconnaît quel que soit le rôle. un george clooney, par exemple, a toujours ses tics, même s'ils sont discrets. exemple: quand le téléphone sonne ou que quelque chose le surprend, il tourne la tête et lève les sourcils en même temps. eh bien, ce "tic", il le fait quel que soit le film ou le rôle qu'il interprète. bon, mais ça c'est subtil. prenez depardieu (façon de parler bien sûr). eh bien depardieu, on peine à voir le personnage qu'il joue sous son imposante carcasse. on ne voit que lui. depardieu ne "devient" pas le personnage, c'est le personnage qui devient depardieu (ce qui est aussi, je le concède, une sorte de performance). même l'éblouissante meryl streep, qui m'inspire pourtant un très grand respect, a une mimique qu'elle sort à chaque fois: un très léger lever de tête, yeux fermés, qu'elle exécute en guise d'agacement, imperceptible mais résigné. et c'est le cas de l'écrasante majorité des acteurs, toutes générations confondues. rares sont ceux, ou celles, qui "disparaissent" sous le personnage.
alors vous allez me dire que c'est plus facile quand il y a un imposant maquillage. il est vrai que de niro était d'autant plus convaincant en créature dans le frankenstein de branagh qu'on ne le reconnaissait pas du tout. même chose pour gary oldman dans hannibal dans le rôle de mason verger ou john hurt dans elephant man dans le rôle de john merrick. certes, il s'agit effectivement des cas extrêmes, les acteurs ne ressemblent plus à rien, tellement ils sont maquillés/défigurés.
justement, dans le cas de lincoln, ce qui est particulièrement fort de la part de day-lewis, c'est que son maquillage est très léger et qu'il n'a pas à se cacher derrière un masque. il est lui-même, et pourtant il est un autre. exceptionnel. c'est ce qui lui a valu le 3ème oscar de sa carrière dans la catégorie meilleur acteur (après my left foot, 1989, et there will be blood, 2007), faisant de lui le premier acteur – non-américain de surcroît – à pouvoir se targuer d'un tel palmarès, dépassant des légendes comme marlon brando, jack nicholson ou dustin hoffman, mais
restant derrière katharine hepburn qui détient toujours le record absolu
avec 4 statuettes. évidemment, il s'est totalement immergé, comme à son habitude, dans le personnage pour le saisir et l'interpréter au plus près de ce qu'il était. ainsi les récits autobiographiques, excellent point de départ, ont vite fait place aux discours qu'il écrivit et aux histoires qu'il racontait.