réal. et scénario michael haneke, int. jean-louis trintignant, emmanuelle riva, isabelle huppert, carole franck. 2012, 127'. 3,5 pouces.
le synopsis
georges (trintignant) et anne (riva) sont octogénaires, tous deux professeurs de musique à la retraite. un jour, anne a une absence due à un problème de carotide. les choses…
… vont empirer et l'amour que se portent ces deux êtres va être mis à rude épreuve…
l'avis
je le dis
comme je le pense, je n'aurais pas donné la palme d'or à ce film. pas parce
qu'il est mauvais ni parce que le scénario pêche et encore moins à cause des
acteurs. au contraire, tout le film repose sur leurs épaules, et en particulier
celles de jean-louis trintignant. mais ce film est tout de même à voir absolument…
on
reconnaît bien le style de haneke: une mise en scène ultra-épurée, faite
de plans où les mouvements de caméra sont quasi proscrits, des plans juste
assez longs pour qu'on se demande ce qui justifie ou ce que signifie une telle
longueur, pas de musique, pas d'éclairage, bref un cinéma qui ne s'embarrasse pas d'effets inutiles (et qui, contrairement à dogma, non seulement n'en fait pas tout un plat mais peut à l'occasion se révéler très esthétique) et qui privilégie le
fond, le sens, le contenu. un cinéma nu qui vous prend
par la main pour vous raconter quelque chose d'important, loin du bruit et de
la fureur des films "à budget". un cinéma qui fait donc la part belle à la
performance des acteurs. ici on est servi, même si trintignant et riva
ne surcompensent pas la sobriété de la mise en scène par des effets de manches.
au contraire, et l'exercice est particulièrement difficile, leur jeu passe par
des non-dits, une intériorité, une intensité qui découlent forcément de
l'expérience.
l'histoire
repose sur une seule question – que ferait-on si la santé de l'être cher
déclinait au point d'être une charge tôt ou tard insupportable? – qui trouve
sa réponse, magnifique et inconditionnelle, dans le titre. dans cet esprit,
clouez un comédien de talent dans un lit – james caan dans misery
ou javier bardem dans mar adentro – et vous obtiendrez une expérience de cinéma mémorable. ici, très loin d'être négligeable, la performance que livre
emmanuelle riva ne laisse pourtant pas un goût d'inoubliable.
et c'est
sans doute là que réside le "problème" de ce film. il y a une sorte de "théâtralité" dans le jeu, pourtant d'une sobriété exemplaire, de ces deux grands comédiens. comme s'il sortait tout droit du début des années '60, l'époque de la nouvelle vague. de plus, là où d'autres
nous auraient certainement tiré des larmes – car le sujet s'y prête résolument
-, haneke, s'il refuse tout sentimentalisme (et il a raison, cela aurait
dénaturé son propos), semble malgré tout jeter un regard froid et prendre une
sorte de distance face à la question de l'amour à mort.
résultat:
influencé sans doute par une critique dithyrambique, comme à chaque fois que
haneke sort un film, j'avais préparé les mouchoirs mais mes yeux sont restés désespérément secs. pire,
l'ensemble m'a semblé manquer d'émotion, ce qui est un comble pour le sujet qu'il est censé
traiter. je m'attendais, sans doute à tort, à quelque chose qui n'était pas forcément le propos du réalisateur.
reste que, passé cette semi-déception, amour est un très bon film (même s'il n'a pas la puissance dévastatrice d'un ruban blanc à mon humble avis). et il est à voir de toute manière, parce qu'il nous met face à des notions qui dérangent ou qu'on ne voudrait envisager que le plus tard possible. et aussi parce qu'un haneke, ça ne se refuse tout simplement pas.
brèves de coulisses…
après ceux qui m'aiment prendront le train (patrice chéreau, 1998), jean-louis trintignant (83 ans cette année) avait dit qu'il arrêtait le cinéma pour se consacrer au théâtre. il avait tout de même fait une exception en 2002 pour jouer avec sa fille marie (janis et john, réalisé par le mari de cette dernière samuel benchetrit). amour est donc sa seconde "entorse", même si l'acteur ne voulait pas faire ce film, d'abord parce qu'il avait vu dans le scénario une intensité qu'il n'imaginait pas, au point d'avouer à haneke que ce n'est pas le genre de film qu'il irait voir, ensuite parce qu'il n'allait pas bien au moment de la lecture du scénario. il se laissera pourtant convaincre par la productrice. l'appartement parisien des deux protagonistes est une reproduction à l'identique de celui des parents de haneke à vienne. mais le réalisateur se défend d'avoir fait un film sur ses parents, arguant plutôt qu'il est toujours très utile d'avoir une géographie précise des lieux de l'action car cela permet d'imaginer les mouvements de caméra et des acteurs. par exemple, la distance de la cuisine à la chambre lui a donné des idées sur la construction de certains plans. alexandre tharaud, ancien élève d'anne dans le film devenu pianiste internationalement reconnu, est réellement un musicien internationalement reconnu et a interprété les musiques du film (notamment les impromptus de schubert). c'est sa première participation à un film. c'est en revanche la troisième fois qu'isabelle huppert tourne avec haneke, après la pianiste (2000) et le temps du loup (2002). son rôle ici est cependant secondaire. trois ans après en avoir été la présidente du jury, huppert défendra deux films lors de la 65ème édition du festival de cannes (2012): in another country, du coréen hong sang-soo, et amour, de michael haneke. haneke qui, comme les frères dardenne, francis ford coppola et emir kusturica avant lui, recevra pour ce film sa deuxième palme d'or.