réal. tim burton, scénario john august, leonard ripps, tim burton, int. (vo) charlie tahan, winona ryder, martin short, catherine o’hara, atticus shaffer, conchata ferrell, martin landau, tom kenny, frank welker. 2012, 87′. 4 pouces.
le synopsis
victor frankenstein (tahan) est un petit garçon qui adore le cinéma et son petit chien sparky (welker). un jour, sparky…
… se fait écraser par une voiture mais, durant un cours de science, victor découvre qu’il pourrait faire revenir à la vie son petit animal…
l’avis
j’aime autant vous prévenir tout de suite: je suis tout sauf objectif en la matière. car j’aime (dans le désordre) tim burton, le fantastique, le noir & blanc, l’animation et les chiens, même à la sauce burtonienne.
frankenweenie n’est pas un chef-d’oeuvre, il est bien mieux que cela. il est génial, génial, génial (je vous avais prévenus)! et quand je dis génial, je veux dire que le regard que le réal lunetteux jette sur son passé et ses références est d’une tendresse inouïe. et il est à mon sens impossible d’y être indifférent car ce regard-là est universel, qu’on aime burton ou pas.
évidemment le metteur en scène chevelu truffe son film de références cinématographiques, non pas pour faire genre ou pour montrer qu’il est cinéphile, mais plutôt par reconnaissance puisqu’elles l’ont accompagné tout au long de sa vie et ont enrichi son travail. cependant, si ces références sont sacrées – le cinéma en général et les films d’épouvante de la hammer des années ’30 en particulier -, elles ne sont pas pour autant gravées dans le marbre, à tel point que le cinéaste coiffé en pétard s’amuse parfois à les détourner. ainsi vincent price, son idole, apparaissant en réel à la télé dans un vieux film que regardent les parents du jeune victor; la séquence des toilettes avec le dinosaure (jurassic park); le coup de foudre (techniquement, plutôt d’électricité) entre sparky et la caniche (la fiancée de frankenstein); la marche de la tortue géante dans les rues de la ville (godzilla); et bien sûr la plus centrale de toutes: la résurrection de sparky (frankenstein), pour ne citer que les plus évidentes (celles que j’ai remarquées en tout cas). en plus d’être bluffant de réalisme dans les décors et les détails (la maison près de la piscine, la voiture du professeur de science, la salle de classe, le grenier et tous les objets qui le composent, etc.), le film reprend évidemment tous les codes des genres fantastique et gothique, dont l’une des caractéristiques principales est de situer de nuit, de préférence sous l’orage, tous les événements importants.
comme à son habitude, burton réutilise sa propre mythologie dans ses
films. ainsi, outre la référence directe au roman de mary shelley, l’histoire renvoie à un passage de vincent, court-métrage que le créateur qui semble toujours tombé du lit réalisa en 1982 (avec vincent price dans le rôle du narrateur). ainsi également la fillette étrange (weird girl), avec ses minuscules pupilles noires enchâssées dans d’énormes
yeux blancs, qui fixe les gens sans
jamais cligner des yeux et qui a un chat lui aussi très étrange, est tirée d’un livre que le réalisateur jamais rasé écrivit et illustra jadis: la triste fin du petit enfant huître et autres histoires. amoureux de la
littérature gothique, le réalisateur qui ne porta jamais les cheveux courts n’oublie pas de
leur rendre un discret hommage à travers les noms de différents
personnages – bien sûr victor, pour victor frankenstein, elsa van
helsing (à laquelle winona ryder prête sa voix dans la vo), pour abraham van helsing, célèbre professeur et chasseur de vampires dans dracula, la palme revenant à la double référence d’edgar e. gore, pour edgar allan poe et igor, fidèle serviteur du docteur frankenstein.
pas seulement cinématographiques, ces références dont frankenweenie déborde ont un goût de nostalgie pour l’adolescent mal dans sa peau qu’était burton, un ado qui rêvait de devenir un scientifique fou, adorait son chien et, seul ou avec ses copains, bricolait des films super 8 image par image dans le jardin de la maison familiale à burbank, en californie. à ce titre, une séquence est particulièrement éloquente: la projection vespérale du film super 8 (le film dans le film) que victor a réalisé. une créature volante (en plastique, suspendue à un fil) attaquant une ville (en cartons et casseroles) est mise en échec par le héros du film (sparky). le court-métrage est attendrissant de sincérité, étonnant d’ingéniosité et de créativité, faute de moyens, mélange les techniques, multiplie les plans, fait preuve non seulement d’un sens précoce du rythme grâce à un découpage plutôt élaboré mais également et surtout d’un sens du récit, simpliste mais cohérent… et, au passage, laisse entrevoir quel genre de cinéaste burton, dans la vraie vie, deviendra.
pour toutes ces raisons, frankenweenie est sans doute le film le plus personnel du cinéaste…
on l’aura compris en voyant l’affiche (et en lisant le titre, pour ceux qui en comprennent le jeu de mots), le héros de frankenweenie est donc un chien. plus précisément un teckel (weenie ou wienie = saucisse de francfort, donc par extension teckel, communément surnommé « chien-saucisse » (wiener dog, par exemple chez gary larson)). ici il est un peu grassouillet et, sous le trait de tim burton, ne ressemble pas vraiment à un teckel. mais il est affectueux, espiègle et attendrissant en diable car, comme tous les teckels, intelligent et proche de son maître. et moi, j’aime les teckels. donc je ne pouvais pas ne pas aimer frankenweenie.
quoi, vous êtes encore là? mais qu’est-ce que vous attendez pour aller voir ce film?
brèves de coulisses…
1984, tim burton est animateur chez disney et, fan de films d’horreur (au premier rang desquels frankenstein de james whale, avec boris karloff), rêve de réaliser un long-métrage d’animation en stop motion sur une histoire de chien ressuscité. faute de moyens, il se rabattra sur un court en prises de vues réelles. il se fait virer par disney et devra attendre 25 ans pour que le dream come true et soit produit par… disney. car entre-temps, burton est devenu un réal incontournable. 200 marionnettes ont été créées pour le film, dont 18 pour le seul personnage de victor et 15 pour sparky (équipé de 300 articulations). d’habitude, dans la tradition des films d’horreur, un cimetière surplombe la ville. ici, c’est un cimetière d’animaux. frankenweenie est le premier film depuis big fish dans lequel ni johnny depp ni helena bonham-carter n’apparaissent. cela dit, burton a fait appel ici à des comédiens qu’il a déjà fait travailler à plusieurs reprises: winona ryder (beetlejuice et edward aux mains d’argent), le grand martin landau (ed wood et sleepy hollow), catherine o’hara (beetlejuice et l’étrange noël de monsieur jack) et martin short (mars attacks!). le chien sparky est « doublé » par un humain, le dénommé frank welker, spécialisé dans les « voix » d’animaux, essentiellement dans les dessins animés et autres films d’animation. ainsi a-t-il prêté sa voix à scooby-doo, garfield, spy kids, transformers, les tortues ninja, etc. bref, un beau palmarès souvent non crédité. le noir et blanc a été imposé à la production – qui, notoirement dépourvu de sens artistique et n’ayant pour pupilles que des dollars, récalcitrait au départ – par le réalisateur ténébreux, convaincu que le noir et blanc est un « personnage » et qu’il contribue, par les contrastes et la profondeur qu’il offre, à raconter l’histoire. et comme on l’a dit, burton étant devenu un metteur en scène important, les studios, bande de faux culs, va, ont plié. ça me rappelle la fois où jacques chancel (que, au passage, mon père a bien connu en indochine dans les années 50) avait demandé à philippe starck ce que lui avait apporté la célébrité. starck lui avait répondu: « la célébrité m’a apporté que quand je dis qu’il faut une moquette rose, personne ne me contredit. » ben voilà…