carnage

Carnage2

réal. roman polanski, adapté de la pièce de yasmina reza le dieu du carnage, int. kate winslet, jodie foster, john c. reilly, christoph waltz. 2011, 80'. 3,5 pouces.

le synopsis
sur une aire de jeux, un enfant en blesse un autre. les parents de la victime demandent à parler à ceux du coupable. rapidement,…


… les échanges polis cèdent le pas à l'affrontement…

l'avis
jubilatoire. comme le sont généralement ces règlements de comptes sauvages sur fond de relations civilisées. comme l'avait été, mais sur un mode beaucoup moins drôle, who's afraid of virginia woolf, d'edward albee (1962, adapté à l'écran par mike nichols, en 1966, avec richard burton et elizabeth taylor). cela dit, la comparaison s'arrête là car dans la pièce d'albee, le second couple n'était qu'un témoin faire-valoir du couple principal, plus âgé, qui se livrait à une bataille rangée particulièrement violente. ici, la violence n'affleure qu'épisodiquement – l'alcool aidant souvent à désinhiber les esprits, et donc à délier les langues – mais le mépris d'une classe envers l'autre (et vice-versa), car c'est bien de cela qu'il s'agit, est sous-jacent d'un bout à l'autre.

à ma gauche: alan cowan (waltz) et sa femme nancy (winslet)
à ma droite: penelope longstreet (foster) et son mari michael (reilly).

cowan, nom qui sonne un peu comme "coward" (lâche), un avocat infect interrompu toutes les 3 minutes par son téléphone. il faut dire que l'homme défend sans aucun scrupules une grande entreprise pharmaceutique dont l'un des médicaments a des effets secondaires désastreux sur la santé. l'homme affiche la supériorité discrète de ceux qui "ont du travail" (et donc des revenus), même le dimanche. le regard sur les avocats est convenu et bien sûr sans pitié. l'interprète est, comme à son habitude, princier. né en 1956, l'acteur autrichien est un grand qu'on ne voit pas assez.

malgré toute sa bonne volonté et ses bons sentiments affectés, sa femme nancy, gestionnaire de fortune, préférerait être ailleurs et cache mal le malaise qu'elle éprouve à être là. la séquence du "vomi malencontreux", dont elle asperge le livre africain de penelope, exemplaire très rare auquel tient énormément cette dernière parce qu'elle est "écrivaine" et très impliquée dans toutes les causes qui touchent l'afrique, est à ce titre très symptomatique et particulièrement hilarante. "je vomis sur tes valeurs": le mépris ne s'exprime pas mieux.

michael est vendeur en quincaillerie. c'est le gars cool qui gagne sa vie honnêtement et ne cherche pas les ennuis. mais son physique de géant irlandais (le rôle avait été proposé initialement à matt dillon) laisse supposer qu'il ne faut pas le chercher longtemps. et en effet. mais c'est curieusement moins contre les "intrus" (tout le film se déroule chez lui) qu'il en a que contre sa propre femme.

cette femme écolo-alter-arty, qui pour talentueuse qu'elle soit, se révèle vite être tout aussi méprisante (elle a de bonnes raisons, ces gens qui ont le fric et le pouvoir font du mal à la planète) et finalement tout aussi hypocrite que les autres. une hypocrisie qui ne dit pas son nom et se dissimule sous une bonne conscience alimentée par des discours bien-pensants et cependant bourrés de contradictions.

carnage tourne également à l'affrontement au sein des couples eux-mêmes, les non-dits finissant, l'occasion ne se représentera peut-être plus, par être dévoilés: l'hystérie de penelope fournit à michael un prétexte pour lui reprocher son alter-mondialisme à la con, le cigare de michael permet à penelope de reprocher à demi-mots à son mari d'être un loser, le téléphone d'alan fournit à nancy l'occasion de reprocher à son mari de la délaisser. la séquence où elle jette son blackberry dans le vase révèle un aspect surprenant (mais, soit dit en passant, commun à pas mal d'hommes) du personnage du mari, cynique et calculateur: le petit garçon amoureux de ses jouets qui se met à pleurer dès qu'on y touche (et encore plus qu'on les casse).

jouissif et sans concession, carnage est finalement davantage une critique sociale qu'une étude de caractères. le sous-titre "a new comedy of no manners" résume d'ailleurs bien l'esprit. on se prend presque à regretter que ce ne soit pas plus mordant, plus violent même. à voir absolument.

brèves de coulisses…
née à paris en 1959, fille d'un ingénieur mi-russe mi-iranien et d'une violoniste hongroise venue en france pour fuir la dictature soviétique, yasmina reza a étudié la sociologie et le théâtre à l'université de nanterre. elle est l'auteur de nombreux scénarios, romans et pièces de théâtre (conversations après un enterrement, 1987, le pique-nique de lulu kreutz, 2000). sa pièce le dieu du carnage a été récompensée du laurence olivier award en 2009. son adaptation, réalisée avec roman polanski, a reçu un césar en 2012.

le film a été tourné à bry-sur-marne, en région parisienne, ce qui peut paraître curieux pour une pièce mettant en scène quatre acteurs anglophones. plusieurs raisons expliquent cela: la pièce originale est française, roman polanski a la nationalité française (il est né à paris en 1933), (plus cyniquement) est interdit de séjour aux états-unis, fait toujours l'objet d'un mandat d'arrêt international et les seuls pays où il peut circuler librement sont la france, la suisse et la pologne. mais bref. il fait une très très courte apparition dans le film dans le "rôle" du voisin qui entrouvre sa porte et assiste, sans oser s'en mêler, à l'altercation des couples sur le palier. certains y ont vu un clin d'oeil à la période où il était assigné à résidence en suisse (2009). polanski, raymond roman liebling de son vrai nom, a accepté d'adapter la pièce de yasmina reza sans doute parce qu'elle contient des thèmes qui lui sont chers: l'élégance, la perversion, le dissonant, le malsain, l'absurde aussi. malgré ses démêlés de longue date avec la justice, notamment américaine, polanski continue d'être soutenu par de nombreuses personnalités des arts et du spectacle (une liste de 400 noms a été publiée en juin 2010, au lendemain de son arrestation en suisse, sur le site de bernard-henri lévy) et son oeuvre de recueillir les faveurs tant du public que de la critique internationale. pour preuve, carnage a été sélectionné lors du dernier festival de venise et a fait l'ouverture de celui de new york.

l'unité de temps (l'action se déroule sans interruption sur un peu moins d'une heure et demie) et d'espace (on ne quitte pas l'appartement, même si les cowan aimeraient bien partir) font de carnage un film très marqué par le théâtre.

à l'exception de john christopher reilly, qui n'a été "que" nommé aux oscar (chicago, 2003), les trois autres interprètes ont tous été oscarisés: kate winslet pour the reader (2009), jodie foster pour les accusés (1989) et le silence des agneaux (1991), et christoph waltz pour inglorious basterds (2010).

cowan,
nom qui sonne un peu comme "coward" (lâche), un avocat infect
interrompu toutes les 3 minutes par son téléphone. il faut dire que l'homme
défend sans aucun scrupules une grande entreprise pharmaceutique dont l'un des
médicaments a des effets secondaires désastreux sur la santé. l'homme affiche
la supériorité discrète de ceux qui "ont du travail" (et donc des
revenus), même le dimanche. le regard sur les avocats est convenu et bien sûr
sans pitié. l'interprète est, comme à son habitude, princier. né en 1956, l'acteur
autrichien christoph waltz
est un grand qu'on ne voit pas assez.

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