réal. len wiseman, scénario kurt wimmer, mark bomback, d'après la nouvelle de philip k. dick "we can remember it for you wholesale" ("souvenirs à vendre" dans sa traduction), int. colin farrell, kate beckinsale, jessica biel, bokeem woodbine, bryan cranston, bill nighy. 2012, 121'. 3,5 pouces.
le synopsis
alors qu'il voulait s'offrir des souvenirs d'agent secret pour s'évader de sa vie frustrante, un modeste ouvrier…
… réalise qu'il n'est pas celui qu'il croyait être depuis 7 ans.
l'avis
ceux qui disent que ce film, à part les effets spéciaux, n'apporte rien de plus à l'original ont tort. ce n'est pas sous cet angle qu'il faut voir total recall. d'abord parce que ce n'est pas un remake, c'est une relecture de la nouvelle. du coup, l'intérêt du film et sa crédibilité en ressortent grandis.
ainsi par exemple, même si je n'aime pas farrell (depuis qu'il n'a pas daigné me dire merci quand j'ai appuyé sur le bouton de son étage dans l'ascenseur de l'hôtel amerigo à alicante, en 2008), force est de reconnaître que c'est un vrai comédien, lui, et que ça fait du bien à l'histoire.
de plus, il y a des tas de différences avec le métrage qu'avait commis verhoeven il y a 22 ans et auquel je n'ai jamais réellement adhéré. avec le recul, beaucoup de choses dans le film du hollandais violent semblent aujourd'hui des choix plutôt ridicules: le chauffeur de taxi robotisé (pour faire science-fiction), le déguisement de schwarzenegger sur mars (la grosse dame), le traceur orange qu'il extraie de sa narine (MDR) et surtout la fin, sur mars, quand les deux personnages sont au bord de l'asphyxie avant que l'atmosphère se charge d'oxygène. j'en entends déjà qui vont me dire que c'était très bien avec les effets spéciaux de l'époque. je leur répondrai que kubrick avait fait 100 fois mieux, 22 ans auparavant, avec des effets qui s'inventaient au fur et à mesure. ridicule surtout, schwarzenegger himself, avec sa démarche lourdingue et son accent à couper au couteau suisse, qui faisait de chaque réplique un grand moment de rigolade (involontaire, bien sûr).
exit donc mars et sa colonisation fantaisiste. l'idée fonctionnait dans les années 1990 mais plus aujourd'hui, tant on sait combien cette planète et le début de l'idée d'une colonisation (et surtout de son oxygénation) sont éloignés de nous aujourd'hui. malins, les scénaristes ont donc choisi de recoller à la nouvelle de k. dick (le héros ne mettait jamais les pieds sur mars) et de situer le récit sur une planète terre dévastée par les guerres et où il ne reste plus que deux zones habitables (objets de toutes les convoitises, le reste de la panète étant devenu mortel pour l'homme sans protection): la fédération unie d'angleterre (l'ancienne europe) et la colonie (l'ancienne australie). pour relier les deux, une machine appelée the fall (la chute), sorte d'ascenseur gigantesque traversant la terre en son centre en 17 minutes seulement. la colonie abrite aussi la résistance, menée par matthias lair (nighy), à l'empire tentaculaire d'un certain vilos cohaagen (cranston), qui contrôle l'administration de la fédération et souhaite écraser la résistance pour s'implanter dans la colonie et y asseoir sa domination totale. mais voilà, en changeant d'identité, douglas quaid, qui s'appelle en fait carl hauser, a aussi changé de priorité.
et c'est là le point-clé, le véritable centre d'intérêt, de l'histoire. la confrontation du réel avec le phantasme, le réel est-il cauchemardesque, le phantasme peut-il devenir cauchemar? qui suis-je? d'où viens-je? où courge? le personnage de quaid cherche dans son passé les réponses à cette quête angoissante d'identité sous forme de course contre la montre où les apparences sont trompeuses.
cette adaptation fait vite oublier celle de verhoeven et c'est tant mieux. à voir, donc, bien sûr…
brèves de coulisses…
côté casting, à noter les retrouvailles de kate beckinsale avec son mari len wiseman, qui l'avait dirigée dans underworld, tout comme bill nighy (qui incarne ici matthias lair – qui s'appelait kuato chez verhoeven -, leader de la résistance, dont le patronyme recèle un clin d'oeil, "lair" signifiant "tanière", "repaire" en anglais) et le français patrick tatopoulos, maquilleur, "créateur de créatures", décorateur et réalisateur, qui a déjà accompli nombre de choses fort louables pour le fantasticophile que je suis, notamment le godzilla d'emmerich et dont c'est le 7ème film avec wiseman le bien nommé. pour qui l'a vu dans breaking bad, série qui a relancé sa carrière de manière tonitruante en 2008, bryan cranston est ici méconnaissable en vilos cohaagen (rôle tenu jadis par ronny cox). les deux rôles de sharon stone (sa fausse femme) et de michael ironside (le sbire de cohaagen) dans la première adaptation sont réunis ici en un seul et même personnage, féminin de surcroît, campé par la délicieuse, quoiqu'un peu trop underworldesque, notamment dans sa manière d'avancer, tête baissée et regard levé, kate beckinsale, qui est, comme je l'ai mentionné quelques lignes plus haut (suivez un peu), l'épouse du réalisateur à la ville (mais aussi à la campagne, à la mer, à la montagne… bon d'accord). une bonne idée (d'avoir réuni deux personnages en un seul, suivez un peu) qui ne nuit nullement, au contraire, à la tension dramatique…
pendant la phase de pré-production du film, une blague (qui s'est avérée) circulait sur l'entente quasi télépathique qui existe entre tatopoulos et wiseman: l'équipe des décors a proposé au premier 35 options différentes pour le style visuel du film et il en a choisi deux. l'équipe est ensuite allée proposer les mêmes options au second qui a choisi… les deux mêmes.
à noter un clin d'oeil (il y en a sûrement plein d'autres qui m'ont échappé ou que j'ai oubliés) à la version de verhoeven – le synthétique (robot) qui se fait couper le bras par l'ascenseur (c'était ironside qui se faisait sectionner les deux bras en même temps) – et les deux trouvailles visuelles du téléphone dans la main et du lasso lumineux. la scène où les poursuivants tentent de tromper quaid en lui faisant croire qu'il est toujours chez rekall, tranquillement assis sur le fauteuil et qu'il lui faut se rendre, est ici adaptée: ce n'est pas la sueur sur le front d'un des personnages qui indique à quaid qu'il est bien dans la réalité mais une larme de sa complice melina (biel).
côté scènes d'action sont, évidemment, à couper le souffle. ainsi la mise en place de la scène de poursuite du début a nécessité 3 caméras à très grande vitesse se déplaçant à 6m/seconde, 9 cascadeurs et un mois de travail. ils n'ont pas résisté à nous la jouer matrix dans la scène chez rekall où le personnage abat 10 flics à lui tout seul. de même qu'on n'échappe pas (on n'échappe plus) aux atterrissages à la matrix après une chute.
côté décors, c'est visuellement impressionnant et somptueux. les villes de la fin du 21ème siècle, sombres et déprimantes comme il se doit dans les oeuvres de science-fiction traitant de l'avenir de l'humanité, sont construites selon un schéma vertical, l'espace au sol étant rapidement venu à manquer pour faire face à l'expansion démographique gallopante, et une architecture rappelant par endroits les favelas de rio. pour la fédération, les artistes se sont calqués sur la londres actuelle en y incluant des éléments futuristes à base d'hologrammes et de structures en verre. pour la colonie, ils se sont davantage approchés du los angeles de blade runner, sombre, pollué et pluvieux, principalement éclairé au néon.
en parlant de blade runner, total recall mouture 2012 aurait très bien pu être réalisé par steven spielberg ou ridley scott, tant il y a dans le film du minority report ou du blade runner (les deux films étant par ailleurs tirés eux aussi de nouvelles de k. dick) dans la direction artistique et les décors. les autoroutes ressemblent par exemple furieusement à celles du film de spielberg. on dirait même que les véhicules ont été recyclés.