série créée par steven moffat et mark gatiss, int. benedict cumberbatch, martin freeman, rupert graves, una stubbs, andrew scott, mark gatiss. saisons de 3 épisodes de 90′. dès 2010. 4 pouces.
l’idée
les aventures du détective créé par sir arthur conan doyle transposées au xxième siècle.
l’avis
encore une énième adaptation…
… des romans de conan doyle?
un dépoussiérage en règle…
erreur! d’une part, l’univers du célèbre « détective consultant » est transposé au xxième siècle, ce qui constitue en soi une innovation à laquelle personne ne s’attendait ni même ne rêvait. il fallait oser, steven moffat (doctor who, 2005-2011, jekyll, 2007, tintin et le secret de la licorne, 2011) et son compère mark gatiss l’ont fait. et il faut bien admettre que ça dépoussière sacrément le mythe. la veine « entertainment » grand public pop corn à la guy ritchie, que d’aucuns exècrent – moi pas -, et c’est bien la preuve que l’oeuvre du romancier britannique est si riche qu’elle se prête à de multiples interprétations qui ne sont ni plus ni moins justes, cette veine-là, donc, n’est pas du tout de mise ici. goodbye explosions au ralenti, adieu bagarres torse nu, retour au cérébral, à l’insupportable dédain, au mépris orgueilleux, à l’arrogance autoritaire et à la « self-consciousness » (qui surprend, tant elle est décomplexée, mais qui colle parfaitement avec le personnage original et que basil rathbone, cet acteur aristocratique qui m’avait fait tant aimer, enfant, sherlock holmes, avait bien rendu dans les années 40).
la démarche n’est pas moins, loin s’en faut, divertissante que celle de ritchie mais si elle s’écarte (par principe?) d’une quelconque volonté d' »entertainment », au sens américain du mot. il y a quand même une séquence de course poursuite (à pied, dans une étude en rose, même si elle sert davantage à montrer l’esprit de déduction de sherlock que sa sympathie pour l’action physique), un combat au sabre (le banquier aveugle) et un coup de boule (encore un signe des temps, dans scandale à buckingham), mais ça s’arrête là. seul clin d’oeil à l’époque victorienne du détective: la musique utilisée durant la séquence de course poursuite, et qui rappelle un peu celle de hans zimmer dans les sherlock de ritchie.
toujours côté dépoussiérage, disons encore que, paradoxalement, et mis à part quelques décors ultramodernes sporadiques (les chiens de baskerville, par ex.), tout semble curieusement familier: le 221b baker street (dont l’extérieur visible dans la série est en fait le 187 north gower street, l’adresse du détective étant devenu un musée), l’appartement, le stylisme des personnages (à peine modernisé) et même la ville dont la vingt-et-unième-sièclitude ne choque pas. dépoussiérage oui, mais pas n’importe comment. en revanche, signe des temps, les outils de communication, présents déjà dans le premier épisode, sont eux bien ancrés dans leur époque, quoique sans exagération (ce n’est tout de même pas mission impossible). ainsi, une fille parle à ses interlocuteurs en ne cessant jamais de pianoter sur son téléphone portable, sherlock a un site internet et watson tient un blog (remplaçant les romans puisque c’est lui le narrateur).
au rayon modernité visuelle, les auteurs ont ajouté un petit effet graphique plutôt sympa, même s’il n’est pas spécialement nouveau: des mots s’affichent à mesure que sherlock réfléchit sur les éléments qu’il examine. lorsque la caméra est en contre-champ, les mêmes mots sont toujours là, mais apparaissent, brièvement à l’envers (et de loin suivant la position de la caméra) avant de disparaître.
fidélité à l’oeuvre
le premier épisode de la première saison (une étude en rose) comporte, mine de rien, des éléments fidèles au tout premier roman de conan doyle (une étude en rouge). notamment dans la présentation des personnages. il s’ouvre sur une très brève biographie du narrateur (watson, comme dans les romans, sauf qu’il n’y a pas de narrateur au sens classique du terme dans la série): watson est donc bien un médecin militaire qui a « vécu » l’afghanistan. mais l’homme a été blessé et a dû être rapatrié. marchant à l’aide d’une canne, il suit une psychothérapie. on l’imagine brisé et en proie aux pires cauchemars. on apprendra en fait qu’il somatise, mais non parce qu’il est hanté par la guerre. la rencontre des deux personnages est forfuite mais offre l’occasion à holmes de stupéfier son futur colocataire en déduisant, notamment, qu’il revient d’afghanistan. passage obligé, la question de l’homosexualité est abordée brièvement lors de la scène du restaurant. on se doutait bien qu’elle apparaîtrait, on ne savait pas comment. pour autant, est-elle réglée? parions que non car, souvenons-nous-en, watson se marie (et deux fois, encore, dans les romans), sans doute moins parce qu’il est amoureux que pour prouver qu’il n’y a aucune équivoque dans sa relation avec holmes. de son côté, dans scandale à buckingham, holmes se fait manipuler et traiter de puceau par une femme dominatrice et intelligente (mais moins que lui, faut pas déconner). enfin moriarty (andrew scott) ne fait logiquement son apparition qu’à la toute fin de la saison 1.
une série innovante?
on l’aura compris, il y a dans cette série une vraie volonté de moderniser le mythe, mais qui s’exprime plutôt subtilement. par exemple, dans la version française, les deux protagonistes se tutoient et s’appellent par leur prénom. même madame hudson appelle holmes « sherlock ». c’est tellement naturel qu’on n’y prête presque pas attention mais c’est une petite révolution car cela permet de réduire la distance entre le spectateur et les personnages. et, au passage, c’est bien vu de la part des adaptateurs car le tutoiement n’existe en anglais que par le fait que les protagonistes s’appellent par leur prénom (ce qui, en anglais, peut selon la situation être considéré comme un tutoiement). watson reprend vite sa place de narrateur, mais époque oblige, il le fait à travers un blog qui, soit dit en passant, a beaucoup plus de succès que le site internet de holmes (lol). mais l’innovation majeure de cette nouvelle interprétation du mythe réside peut-être moins dans les enquêtes que dans la relation entre les personnages et leur évolution (quoique ritchie s’est lui aussi employé à développer ses personnages). la 2ème saison tourne en effet autour de la réaction de sherlock face à l’amour (scandale à buckingham), la peur (les chiens de baskerville) et la mort (la chute du reichenbach), thèmes constitutifs de chacun de ses 3 épisodes. la saison 3 est en production, elle sera diffusée en 2013 (ça va être long jusque-là).
vous l’aurez sans doute deviné, j’aime cette série qui me replonge dans l’excitation des romans. l’écriture est brillante et jubilatoire, même si certains épisodes sont moins réussis (à mon avis le banquier aveugle et les chiens de baskerville). et les acteurs sont pour beaucoup dans cette réussite.
un casting très juste
pratiquement inconnu chez nous, benedict cumberbatch (1976) est au bénéfice d’une carrière plutôt jeune. on a pu le voir dans mi5 en 2003, dans hawking en 2004, plus récemment dans cheval de guerre (spielberg, 2011) et la taupe (peter guillam, 2011). il sera à l’affiche du prochain star trek de j. j. abrams et de bilbo le hobbit, de peter jackson, qui sortira en deux épisodes en 2012 et 2013. rien que ça. après basil rathbone, jeremy brett et robert downey jr., c’est donc au tour de cet acteur au charisme indéniable et au magnétisme certain d’endosser les habits que même hercule poirot devait envier. il est en tout cas parfait pour ce rôle, avec son faciès particulier, il n’a aucun mal à convaincre que tout le monde se méfie de lui comme d’un taré insatiable d’affaires glauques. martin freeman est également parfait dans les habits de l’éternel faire-valoir, j’ai nommé le docteur watson. un peu largué (ils le sont tous) par l’intelligence stratosphérique de holmes, il le suit cependant aveuglément dans ses aventures car l’action, on le comprend vite, lui manque. mais contrairement à jude law, qui fait de watson un personnage de caractère, certes pas aussi brillant mais tout aussi pugnace que holmes, participant activement aux enquêtes et n’étant pas si largué que ça, ou quand il l’est se montrant agacé de l’être, freeman fait du sien un homme certes courageux (ne sauve-t-il pas la vie de holmes, dans une étude en rose, alors qu’il ne le connaît que depuis 24 heures?), mais qui, dès le 2ème épisode, montre ses failles et redevient celui que conan doyle avait écrit: un faire-valoir. l’acteur, lui aussi britannique (moffat n’est pas allé outre-atlantique pour choisir ses interprètes), est également de l’aventure hobbit, puisqu’il tient rien moins que le rôle principal (bilbo, c’est lui). sa carrière est un peu plus fournie que celle de cumberbatch (né en 1971, il est plus vieux de 5 ans mais ça ne veut rien dire) puisqu’il a joué dans la série originale anglaise the office, dans shaun of the dead et hot fuzz, aux côtés de simon pegg et nick frost, le rôle de rembrandt dans ronde de nuit de peter greenaway, et qu’il prête sa voix à un personnage de les pirates! bons à rien, mauvais en tout, de peter lord (des studios aardman, les créateurs de wallace & gromit). encore moins connu chez nous que les deux précédents comédiens, andrew scott (1976) est un acteur irlandais. rajeunissement du mythe oblige, les auteurs ont pris le contre-pied des canons auxquels nous étions habitués depuis des lustres: moriarty n’est pas un professeur d’université quinquagénaire et respecté. le choix d’un comédien au physique et au faciès d’adolescent est plus intelligent qu’il n’y paraît, sa jeunesse et son apparente innocence rendant justement sa cruauté et son génie du crime encore plus effrayants. l’interprétation du comédien est remarquable: sa voix relativement haut perché, son expressivité et son calme entrecoupé çà et là de mini-pétages de plomb, contribuent à rendre le personnage totalement crédible… et bien dans l’air du temps.
sherlock est, si vous ne l’aviez pas encore compris, à découvrir donc de toute urgence…
les épisodes
saison 1, épisode 1: une étude en rose
épisode 2: le banquier aveugle
épisode 3: le grand jeu
saison 2, épisode 1: scandale à buckingham
épisode 2: les chiens de baskerville
épisode 3: la chute du reichenbach