réal. dominik moll, scénario dominik moll, anne-louise trividic, d'après le roman de matthew gregory lewis, int. vincent cassel, déborah françois, joséphine japy, catherine mouchet, géraldine chaplin, sergi lopez. 2011, 101'. 3,5 pouces.
le synopsis
dans l'espagne catholique du xviième siècle, frère ambrosio (cassel) est admiré pour sa ferveur et redouté pour son intransigeance. jusqu'au jour où…
… un mystérieux novice fait son entrée au monastère…
l'avis
ce film raconte l'histoire d'une faille, une faille dans un système apparemment infaillible car loin de tout et de toute tentation. une faille dans l'intransigeance monolithique d'un homme se croyant à l'abri de tout et de toute tentation. or l'homme est condamné aux pires extrémités car né, on l'apprendra bien plus tard, d'un "mauvais" mariage (un noble avec une roturière), et abandonné très jeune. ce film raconte aussi une peur, très ancrée dans l'époque à laquelle fut écrit le roman, celle de l'aristocratie de voir s'effondrer l'ordre social (chacun doit rester à sa place) et moral (la raison soumet la passion) établi.
le film est beau, graphiquement, visuellement. il est beau par une mise en scène dénuée de tout effet inutile. beau par une narration limpide et des décors minimalistes. l'intrusion du fantastique est discrète (n'oublions pas que le roman de lewis, paru en 1796, est considéré comme l'oeuvre fondatrice du genre littéraire gothique, 25 ans avant le frankenstein de mary shelley). beau par la sobriété des acteurs, avec toutefois une mention spéciale à catherine mouchet qui apporte toujours une diction à la limite du malaise, une indéfinissable fragilité à fleur de peau, une faille, précisément, dans la rigueur de ses personnages. elle qui, il y a tout juste 25 ans, interpréta avec conviction le rôle de thérèse de lisieux, qui lui vaudra, entre autres, le prix du jury à cannes en 1986, le césar du meilleur espoir féminin en 1987 et le prix romy schneider. le travail de cassel, d'un hiératisme surprenant, est tout de même à saluer, même si l'on s'attend à tout bout de champ à le voir crier "enculé!" au détour d'une scène et que sa voix ne va décidément pas, selon moi, avec son physique.
tout est bien dans ce film. sauf un truc, un seul, mais un truc de taille puisque tout le film repose dessus: le revirement du personnage. on n'y croit pas, tant il est rapide, violent, extrême, total. ok, toute bonne histoire repose sur une tension dramatique. mais quand même.
à part ça, le message est clair: la puissance du destin ou la punition divine s'abattant sur ceux qui osent bouleverser l'ordre. thème d'époque s'il en est, mais suffisamment universel pour que, deux siècles plus tard, on lui découvre une toute autre interprétation: le danger, notamment pour les êtres sans culture ni références (autres que celles qu'on leur a toujours inculquées – ambrosio ne connaît rien d'autre que le monastère), de basculer d'une ferveur qu'ils tiennent pour positive vers un fanatisme destructeur? et voilà que l'oeuvre de lewis tient pour le coup un discours étonnamment moderne, et hélas régulièrement d'actualité, même s'il n'a pas été écrit dans ce sens.
le moine est le troisième long métrage en tant que réalisateur du mi-français mi-allemand dominik moll, après harry un ami qui vous veut du bien (2000, avec sergi lopez et laurent lucas, déjà) et lemming (2004, avec charlotte gainsbourg et laurent lucas, encore). le roman a été porté à l'écran en 1972 par ado kyrou dans une adaptation de luis buñuel et jean-claude carrière.