réal. grant heslov, scénario peter straughan d'après l'oeuvre de jon ronson, int. george clooney, ewan mcgregor, jeff bridges, kevin spacey, robert patrick. 2009, 90'. 3 pouces
le synopsis
journaliste largué par sa femme, bob wilton (mcgregor) décide de partir à la guerre pour oublier son désespoir. arrivé en irak, il fait la rencontre de lyn cassady (clooney), soldat aux pouvoirs parapsychologiques, qui lui apprend qu'une unité spéciale et top secrète a été constituée pour…
… combattre le terrorisme par d'autres moyens que les armes traditionnelles: la new earth army. ce dernier lui présente bill django (bridges), le fondateur de l'unité…
l'avis
ce film fait partie de ceux qu'on peine à recommander. pas parce qu'ils sont mauvais, loin s'en faut, mais parce qu'on en sort avec cette drôle d'impression que tout n'a peut-être pas été inventé. en effet, le ton est toujours juste en-deçà de la caricature et le jeu d'acteurs comme clooney se situe à la lisière entre sérieux et cabotinage. on se demande donc tout le long s'il s'agit ou non d'une parodie, car le film oscille constamment entre comédie et dérision, entre le subtil et le désopilant.
en fait, tout est vrai. à tel point que certaines des séquences les plus incroyables (ou les plus drôles) du film sont tirées mot pour mot des entretiens que jon ronson a menés avec un certain jim channon (qui a inspiré le personnage interprété par jeff bridges). après s'être battu au vietnam, ce dernier s'est intéressé à des techniques de combat alternatives, allant jusqu'à théoriser sa démarche dans un "manuel" de refonte complète de l'armée où il aborde notamment la visualisation, le total fitness, la lutte primitive, le "combat éthique" ou la "prière à la terre". essayer de passer à travers les murs ou tuer un hamster du regard sont donc effectivement tirés d'expériences que l'armée ou la cia ont réalisées dans les années 60, 70 et 80. la new earth army existe donc bel et bien, et les documents officiels la concernant sont encore classés secrets. au gré d'entretiens parfaitement sérieux (mais totalement hilarants), le livre de ronson dévoile comment les délires d'une bande d'hurluberlus ont donné lieu à tout un arsenal de guerre (para)psychologique auquel l'armée américaine, notamment sous george w. bush, a eu recours ces dernières années, à guantanamo et à abou ghraib, notamment pour faire craquer les prisonniers. une torture consistait par exemple à leur faire écouter en boucle une chanson ringarde (certains auraient suggéré titanic par céline dion).
on comprend mieux pourquoi les acteurs se retiennent de cabotiner et c'est là toute la beauté de leur interprétation: loin de se moquer des personnages, ils les rendent attachants, des doux dingues investis de missions qu'ils sont, souvent mais pas toujours (et ça fait même un peu peur), incapables de mener à bien. du coup, cette "tonalité" constante entre sérieux et comédie, qui nous apparaissait comme déroutante, fait finalement la force, et le côté hilarant, du film.
à noter la belle traduction française du titre original (the men who stare at goats) – les chèvres du pentagone -, qui rend bien le "ridicule" de cette unité spéciale qui, si elle est prise très au sérieux par les autorités militaires américaines, ne provoque aujourd'hui en nous… qu'un gros éclat de rire teinté de tendresse.