réal. clint eastwood, adapté du roman de james bradley, int. ryan philippe, jesse bradford. 2006, 125'. 4 pouces.
l'histoire
au 5e jour de la sanglante bataille d'iwo jima, île au sud du japon, cinq marines et un infirmier de la navy hissent ensemble le drapeau américain au sommet du mont suribachi, tout juste repris aux japonais. pour ces hommes, c'est un moment parmi d'autres de la guerre du pacifique. l'instant est immortalisé par des photographes présents sur l'île. et l'image de ces hommes unis face à…
… l'adversité revêt d'emblée une dimension héroïque. en quelques jours, elle deviendra légendaire. pour mettre à profit l'engouement qu'elle suscite auprès du peuple américain, las de cette guerre, trois de ces "porte-drapeaux" (les autres ont été tués) sont rapatriés, érigés en héros et livrés à l'admiration des foules. leur nouvelle mission: continuer de servir leur pays en vendant les précieux bons qui financent l'effort de guerre.
derrière l'histoire (vraie)
john bradley, ira hayes et rené gagnon, qui n'ont encore jamais tiré un coup de feu, se prêtent au jeu avec un dévouement exemplaire. ils sillonnent sans relâche le pays, serrent des milliers de mains et prononcent des allocutions. mais, en leur for intérieur, une autre bataille se livre: les vrais héros, ceux qui avaient livré bataille, avaient planté un drapeau quelques minutes auparavant. eux avaient été ordonnés d'en planter un second, pour la photo. si bien que certains des vrais héros cités en exemple ne figurent pas sur la photo. et il est impossible de le vérifier puisqu'on les voit de dos. mais chut, personne ne doit le savoir, pas même les mères des disparus, car la guerre n'est pas terminée et le peuple américain doit absolument mettre la main à la poche pour que l'amérique triomphe… ça ne vous rappelle rien?
l'avis
si mémoires de nos pères est une réflexion (magnifique au demeurant) sur la manipulation politique des individus et des masses, et sur l'effacement de l'intérêt individuel au profit du bien commun (en fait de quelques-uns), il est aussi extraordinairement actuel dans son sujet, à l'heure où bush, envers et contre tous, demande au congrès des rallonges de milliards de dollars pour continuer à envoyer des hommes se faire massacrer (et pour quoi?) en irak. et la beauté formelle du film, la finesse narrative non linéaire, la bande originale très eastwoodienne (composée par mister clint himself) et le manque de complaisance ne doivent pas nous faire oublier ce constat affligeant. à propos de complaisance, il est à remarquer que, dans les reconstitutions de bataille, le débarquement sur l'île fait furieusement penser à celui d'il faut sauver le soldat ryan, eastwood ne s'attarde jamais comme spielberg (d'ailleurs producteur du film) l'avait fait, sous prétexte de relater la réalité telle qu'elle s'est passée.
les coulisses
mémoires de nos pères comporte un second volet, lettres d'iwo jima (sorti en suisse romande la semaine dernière) qui raconte la bataille du point de vue japonais. c'est une première dans l'histoire du cinéma. qu'il aille dans l'espace ou qu'il tombe amoureux sur les routes de madison, qu'il tire avec son magnum ou qu'il raconte le jazz, clint eastwood n'en finit pas de nous surprendre et de nous étonner… et quelle merveille à chaque fois!