american sniper

american sniper
réal. clint eastwood, scénario jason dean hall, d’après l’oeuvre de chris kyle, int. bradley cooper, sienna miller, luke grimes. 2015, 132′. 3,5 pouces

le synopsis
depuis qu’il est en âge de chasser, chris kyle (cooper) a un don: il ne loupe jamais sa cible, même de très loin. devenue adulte, il s’engage dans les seals et devient sniper. on l’envoie…

… en irak protéger ses camarades et compatriotes. il s’y rendra quatre fois en neuf ans. surnommé la « légende » par les soldats américains et « le diable de ramadi » par les irakiens, il sauvera d’innombrables vies en tuant beaucoup d’ennemis.

l’avis
après quelques semaines d’exploitation aux états-unis, american sniper dépasse les 350 millions de dollars de recettes. du jamais vu pour un film traitant de la guerre d’irak, sorti de surcroît en janvier.

car cette guerre, qui n’a jamais été populaire (c’est le moins que l’on puisse dire) auprès des américains, porte l’empreinte de george w. bush, soupçonné d’aller guerroyer sans preuves et de dépenser les deniers publics à un moment où l’économie n’était pas au beau fixe, aux seules fins de redorer son blason. de plus, elle leur rappelait de manière insupportable le traumatisme des attentats du 11 septembre, même si ces derniers n’avaient finalement de rapport avec le conflit irakien que l’exacerbation du sentiment patriote comme unique réponse acceptable à la menace terroriste (justifiant l’utilisation des armes). cette guerre, comme celles du vietnam et d’afghanistan, ne devait durer que peu de temps. pour rassurer ses compatriotes, et surtout mettre un terme aux critiques, bush décrétera d’ailleurs la fin des hostilités un mois et demi après leurs débuts sous la bannière mission accomplie. si le monde entier fera mine de s’en réjouir, personne au fond ne sera dupe. car malgré la mise en place d’un nouveau gouvernement, les violences continueront jusqu’au retrait des troupes américaines fin 2011. si bien que la coalition militaire aura duré près de 9 ans, léguant un casse-tête à gérer à barack obama. et l’histoire n’est pas finie puisque, devant la progression des djihadistes, les forces américaines ont remis le couvert en août 2014.

cette guerre est mal aimée du peuple américain. là est peut-être le fond de la polémique. parce que présenter un sniper comme un héros (même si kyle s’en défendait) n’est pas vraiment politiquement correct et que nombreux sont ceux, à l’instar du documentariste michael moore, à déclarer à qui veut l’entendre que les snipers sont des lâches. cela dit, moore s’est bien gardé de critiquer directement le film, en vertu d’une sorte d’accord tacite entre producteurs et réalisateurs qui commande de ne pas descendre en flammes un film qu’on n’aime pas, préférant louer la performance de bradley cooper, très bon décidément.

le film fait aussi polémique parce que les valeurs qu’il défend – dieu, patrie, famille, qu’aucun américain digne de ce nom ne songe à contester -, ont été transformées par bush en fondement d’une politique guerrière dont les mêmes américains ne voulaient pas. et clint eastwood, également républicain (ah, les amalgames), qui déclare pourtant ne pas aimer la guerre, est loin de faire l’unanimité et fait régulièrement polémique pour ses convictions un rien facho et sa manière un peu brutale de voir les choses. à l’image de son personnage de flic-justicier harry callaghan, décrié par certains dans les années 1970 parce qu’il donnait de l’amérique l’image d’un pays où les cowboys faisaient toujours la loi selon leurs propres règles, au mépris de la morale et de la hiérarchie.

pourtant, le film d’eastwood ne fait pas l’apologie d’un meurtrier qui rendait la justice en toute impunité, sous prétexte qu’il était dans le feu de l’action. apparemment, chris kyle était un authentique patriote qui respectait un code de conduite et d’honneur, et qui ne tuait pas sans sourciller. son film décrit plutôt un homme ordinaire promu au rang de héros malgré lui et qui était honnêtement convaincu de protéger ses camarades, sa famille et son pays en éliminant des menaces. et, comme tout homme ordinaire embarqué dans un conflit armé, kyle reviendra chaque fois un peu plus affaibli psychologiquement. revenu de son 4e et dernier déploiement, il démissionne en 2009, réintègre la vie civile, retrouve sa famille et dirige une société militaire privée qui forme des tireurs d’élite et veille à la sécurité de personnes privées.

parallèlement, il vient en aide aux vétérans d’irak en difficulté. ayant trouvé un nouvel usage aux armes – soigner -, il les emmène sur le champ de tir de rough creek lodge (texas), comme une sorte de thérapie. ainsi, le 2 février 2013, en compagnie de son copain chad littlefield, il y emmène eddie ray routh, jeune marine de 25 ans souffrant de stress post-traumatique. on retrouvera le corps de kyle et de littlefield, cribés de balles (6 pour le premier, 7 pour le second), toutes tirées dans le dos avec l’arme du sniper. lors de son arrestation, routh déclarera qu’il était persuadé être tombé dans un piège: « si je n’avais pas pris son âme, il aurait pris la mienne ».

ironie du destin d’un type dont le job était de tuer des inconnus, de loin et dans un pays étranger, et qui se fit tuer par un des siens (un marine américain), de près et dans son propre pays.

ce qui est critiquable, et qui alimente probablement aussi la polémique, c’est l’influence probable que le film, par ailleurs très bien, va avoir sur le jury, puisque sa sortie a coïncidé avec le début du procès de routh. le distributeur doit sûrement se frotter les mains d’avoir réussi son coup: créer un buzz (inter)national et remplir son tiroir-caisse autour d’un film, c’était inespéré. on est content pour lui. en attendant, ni le marketing ni la justice ne risquent d’en sortir grandis…

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