les enfants du paradis restauré

Les enfants du paradis restauré

le chef-d'oeuvre fleuve (3h02) de marcel carné, avec arletty, jean-louis barrault et pierre brasseur, cette fresque immense du paris de 1828, où acteurs et bateleurs se croisent sur le boulevard du crime, où…


… des histoires d'amour se font et se défont alors que haussman est loin d'avoir creusé les grands boulevards et que le commerce moderne n'existe pas encore, ce magnifique tableau réaliste tourné en noir et blanc alors que la seconde guerre mondiale n'est pas encore achevée vient d'être restauré et sortira en dvd dans quelques jours. la nouvelle, qui a de quoi enthousiasmer n'importe quel cinéphile, tenant naturellement ce film en très haute estime, n'a l'air de rien mais elle est le fruit d'un travail titanesque auquel s'est livré le laboratoire éclair à épinay-sur-seine, près de paris.

quelques chiffres qui donnent à la fois le tournis et une vague idée de l'ampleur de la tâche: quatre à cinq ans de travail, plusieurs milliers d'heures, plus de quarante personnes employées à plein temps, une résolution quatre fois supérieure à celle de la haute définition…

rappelons que le support pellicule utilisé il n'y a pas si longtemps par l'industrie du cinéma contenait du nitrate de cellulose, qui est un produit chimique très dangereux car hautement inflammable, voire explosif (on a vu le contenu de bobines de film prendre feu toutes seules). de plus, les films ont tendance à ne garder que le rouge, les autres couleurs disparaissant progressivement sous l'effet du vieillissement du support sur ses composants chimiques. à cela s'ajoutent d'innombrables "petits" dommages tels que manipulations pas toujours précautionneuses (notamment pour réaliser parfois des milliers de copies) et même parfois tampons de douane appliqués à même le support.

il est donc urgent de sauver un patrimoine d'une richesse exceptionnelle – et la france n'est bien sûr pas le seul pays concerné, les cinémathèques du monde entier s'en préoccupant déjà depuis quelques années -, notamment en restaurant les oeuvres les plus touchées. problème: le coût exorbitant de telles entreprises, pas toujours soutenues financièrement par les hauts responsables de la culture.

tout travail de restauration, qui s'effectue dans le respect absolu de l'oeuvre originale – à ne pas confondre donc avec une quelconque modernisation, comme ce fut le cas avec metropolis de fritz lang -, commence par
une inspection et une vérification minutieuses des éléments à
disposition. la pellicule est passée au scanner afin d'identifier les défauts (perforations endommagées, collures fragiles susceptibles de lâcher, etc.). tout se passe le plus doucement possible quand le film passe en machine. le film est ensuite traité en immersion, procédé qui permet de limiter les rayures présentes sur le support. puis les images sont restaurées numériquement sur des stations de travail. patiemment, chaque image va être "nettoyée" de ses traces, rayures, moisissures ou poussières, et des éléments disparus seront, dans la mesure du possible, restitués. le laboratoire éclair s'est fixé comme obligation déontologique d'appliquer sur l'image une restauration "de bonne qualité" et met un point d'honneur à laisser une tache plutôt que d'appliquer une mauvaise correction de tache. parallèlement, le son est restauré en s'attaquant à deux difficultés majeures sur des films "d'époque" que sont le souffle et l'hétérogénéité des sources.

l'intention est de restaurer l'oeuvre afin de la rendre à nouveau publique dans son éclat d'origine, si possible dans des salles de cinéma puisqu'elles étaient conçues pour être projetées sur grand écran. j'attends le résultat avec grande impatience. et chapeau bas aux artisans qui ont réalisé ce travail de fourmis.

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