réal. pedro almodóvar, int. antonio banderas, elena anaya, marisa paredes. 2011, 117'. 3,5 pouces.
le synopsis
dénué de tout scrupule, un chirurgien (banderas) ayant perdu sa femme dans un accident de voiture tente, dix ans plus tard, de…
… recréer une peau sensible au toucher et d'en recouvrir une cobaye enfermée dans sa maison.
l'avis
même si, dit comme ça, l'histoire de ce frankenstein du xxième siècle paraît linéaire, elle est en fait, disons-le franchement, pas mal tordue dans la structure narrative et extrêmement malsaine dans le fond. même si les thèmes chers à almodóvar – la famille et le sexe en tête – sont bel et bien présents, celui de la vengeance, qui sous-tend le récit, est plutôt rare dans sa filmographie.
sans dévoiler quoi que ce soit, disons que le titre vient du chemin que vera est brutalement forcée d'emprunter, un chemin dont elle ne pourra revenir. elle a perdu sa peau, pas son identité (autre thème du film). et elle doit apprendre à vivre dans cette "peau qu'elle habite". un autre sujet du film, directement issu du thème principal, est, pour le personnage masculin, la folie désespérée mais froide revêtue d'un habit de normalité. cet homme impassible dissimule en fait un obsessionnel inconsolable qui fut impuissant à sauver sa femme (notamment) et dont la violence est d'autant plus effrayante qu'elle est maîtrisée.
n'appartenant, de l'aveu même du réalisateur, à aucun genre, le film est ambitieux par son propos alambiqué et intéressant par son traitement "non almodovarien", même si l'histoire n'est pas toujours crédible. de plus, il nous avait habitués à des univers chatoyants et des personnages hauts en couleurs, mais nous surprend ici avec des personnages tout en retenue et des ambiances aspetisées dont l'élégance éclabousse paradoxalement son univers d'une tache invisible mais inquiétante. le style est si différent qu'on peine à croire que ce film est de lui. peu importe. n'est-ce pas justement l'apanage des grands metteurs en scène que de parler de la même chose en se renouvelant sans cesse? le moins que l'on puisse dire est que la piel… en déconcertera plus d'un. un virage dans la carrière du cinéaste qu'il attribue lui-même, non sans humour, à la "crise de l'âge mûr".
à voir avec intérêt.
les coulisses
c'est la seconde fois, après en chair et en os, en 1997, qu'almo a recours à l'adaptation. cette fois, c'est le roman de thierry jonquet – la mygale – qui lui sert de base, même si le réalisateur déclare avoir insisté sur la cruauté et l'ampleur de la vengeance, pas assez mises en avant à son goût dans le roman. elena anaya, qu'on a pu voir notamment dans parle avec elle, van helsing, mesrine l'instinct de mort ou à bout portant, est, comme toutes les "héroïnes" d'almodóvar, bouleversante et d'une beauté sidérante. almo a trouvé sa seconde penélope cruz (à qui il avait proposé le rôle et qu'elle avait accepté, avant de s'en aller tourner aux caraïbes avec le beau johnny). et merci à lui de savoir si bien mettre la femme en valeur. la piel… marque les retrouvailles d'almodóvar et de banderas, 22 ans après attache-moi! (1989). un réalisateur dirigeant d'une main de fer un acteur habitué depuis un moment au système américain où l'acteur est roi. un rôle d'autant plus exigeant pour le bel antonio qu'il a déclaré être tout le contraire de son personnage. une autre habituée des films du réalisateur fait aussi son grand retour: marisa paredes, comédienne madrilène de 65 ans, dont c'est le 6ème film (si je ne m'abuse) avec almo, avec qui elle n'avait pas tourné depuis parle avec elle (2002) où elle tenait un tout petit rôle, mais surtout depuis tout sur ma mère (1999). le masque que porte vera (anaya) est une référence directe aux yeux sans visage (georges franju, 1959) dans lequel un chirurgien implacable (pierre brasseur) voulait greffer un visage à sa fille défigurée dans un accident de voiture.