rubber

Rubber

réal. quentin dupieux, int. stephen spinella, roxanne mesquida, robert. 2010, 85'. 2,5 pouces.

le synopsis
dans le désert californien, les aventures d'un pneu (robert) tueur et télépathe, mystérieusement attiré (comme par hasard) par une jolie jeune fille (mesquida)…


l'avis
a priori, n'importe quoi! me direz-vous. c'est exactement ce que je me suis dit aussi en voyant la bande-annonce qui me faisait déjà marrer, tellement le pitch est improbable, pour ne pas dire totalement barge. cependant, méfiez-vous du titre, il s'agit de tout autre chose que les aventures d'un préservatif dans un mauvais porno. mais revenons deux secondes à la vente proprement dite du projet à un producteur.

dupieux (en phase de sudation avancée): alors voilà, c'est l'histoire d'un pneu qui bouge tout seul…
le producteur (impassible et tirant sur son cigare): …
dupieux (avec un rire forcé): … un pneu qui tue des gens en faisant exploser leur tête…
le producteur (!?!?!?): …
dupieux (étreint d'une subite envie de pleurer): … et, vous allez rire, en plus il est télépathe et il est attiré par une jolie jeune fille… chuis viré? bon d'accord…

et puis, a posteriori, réflexion faite et tout bien considéré, le gars dupieux (alias mr oizo pour les adeptes de la musique électro) se tire plutôt pas mal d'un exercice casse-gueule dont on se demande bien comment il a réussi à le vendre à un producteur… ce gars-là, je vais l'engager 1. pour me trouver des clients et 2. pour vendre mes campagnes de pub. bon, quand on sait qu'il a commencé sa carrière en faisant des clips musicaux avec michel gondry, à coups d'univers (très) personnel et d'idées bien courgées, on comprend un peu mieux le pourquoi du projet.

cela dit, comment faire oublier au spectateur, dès les premières minutes, que le héros, celui qui roule tout seul, pense, regarde la télé (des courses de voitures, of course) et tue façon scanners de cronenberg (film-culte dont se réclame dupieux) n'est autre qu'un pneu? comment rendre crédible ce pneu qui, se regardant dans un miroir, se rappelle sa vie passée? vous avez fini de rire? c'est vrai que ça fait du bien. croyez-le si vous voulez, mais dupieux y parvient, à force d'effets mécaniques "à l'ancienne" (même que c'est vachement bien fait). et le miracle se produit, l'incroyable devient crédible, le débile devient supportable et on se prend au jeu. comme quoi, il n'y a pas que pixar et le numérique pour parvenir à prêter des sentiments et autres attitudes humaines à des objets inanimés. le parti pris de mise en scène (lente) permet en outre, dixit dupieux, de ne pas s'enfoncer dans les règles formatées de la série z, avec un pneu qui aurait roulé à toute allure en écrasant les gens. si tu le dis, gars.

à part ça, j'aime les films qui proposent autre chose et celui-là en fait définitivement partie, même s'il fera figure de marginal dans l'histoire du cinéma. et sans vouloir lui prêter plus d'intelligence qu'il n'en a, derrière cette loufoque série b, le réalisateur répond sans se prendre au sérieux (enfin espérons!) à la célèbre question existentielle "objet as-tu une âme?": non seulement il en a une, mais il a également, par le truchement d'un recyclage d'actualité, plusieurs vies. on le savait déjà, mais de là à lui prêter une conscience assassine, il y a un pas que dupieux franchit sans vergogne et avec quelque maîtrise. et d'ajouter à ce délire, qui part du constat qu'il n'y a pas forcément de raison à ce que l'on fait dans la vie (ce qui lui évite en passant de justifier son travail et ses choix. pratique…), une semi-réflexion sur le voyeurisme du spectateur et son rapport à la vérité au moyen d'une mise en abîme dans laquelle ledit spectateur, regardant le film aux jumelles dans le désert (!?!?) est pris pour un con (car il s'intéresse à un sujet inintéressant au possible – du coup, nous aussi, on s'en prend une dans la gueule puisqu'on est là, dans la salle, à regarder le film), attend qu'on lui donne à bouffer et meurt sans connaître la fin.

j'ai classé ce film sous "thriller" parce qu'une catégorie intitulée: "sorte d'expérience cinématographique née de l'esprit bouillonnant d'un type qui à l'évidence ne pense pas comme tout le monde, et coincée entre la série z façon sixties à la 2000 maniacs et le thriller "no reason" à la duel (l'hommage est exagéré j'en conviens) mais bénéficiant tout de même d'une bonne réalisation" eût été un peu longuette, ne serait-ce qu'à la lecture. cela dit, rubber est une curiosité inrecommandable qui se regarde tout de même, du moins en partie, avec le sourire… attendez qu'il passe sur canal+ ou louez-le en dvd quand il sortira (ce qui ne saurait tarder), ça vous coûtera moins cher qu'une place de cinéma.

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